Longtemps restera en moi gravé ce soir d’été 2018 où pour la première fois, j’entendis les premiers titres de Double Negative. Ce triptyque sombre, fragile et bouleversant qui lançait sans compromis, sans détour, le fil conducteur de votre nouvel album.
Je vous ai aimé durant de longues années et puis, ces derniers temps, mon désamour pour votre musique récente s’était lentement installé. Ce n’était pas mauvais, mais le frisson n’était plus garanti, ou par épisodes, par instants.
Et puis, j’ai écouté votre Double Negative. Je suis resté bouche bée, béat, et béant d’un manque tout à coup comblé. La première écoute fut une décharge électrique. J’ai eu du mal à en croire mes oreilles. L’inconfort de cette découverte s’estompa en quelques minutes et j’ai trouvé en votre nouveau paysage, l’ensemble des éléments qui compose mon pays intérieur. Qu’est-ce que c’était beau ! Tout ce soleil noir et brûlant, cette fin du monde éteint sous les cendres, cette chambre frigorifique où la lumière du jour peine à percer, s’étiraient devant moi comme une mer de poussière, une tempête de mer en pleine accalmie. Pardon, je perds le fil…
Il faut dire qu’à malmener mon sens giratoire à grands renforts d’envolées, de chamades sous l’épiderme, d’ossatures écartelées, j’ai fini par sentir ma tête tourner. Derrière vos chansons les plus bouleversantes depuis au moins quinze ans se cache une forêt d’effets qui posent une chape de plomb sur la lumière. Excessive et débordante, elle est rapidement devenue pour moi l’évidente composante essentielle à votre respiration au long souffle. Vous m’avez coupé ce souffle, d’abord par cette sensation indescriptible d’être en apnée durant 48 minutes, alors que chaque morceau chahute l’autre en lui rentrant dedans, puis cette expiration qui vous offre une délivrance salutaire. Vous avez créé ce poumon artificiel et addictif qui est pour moi vital lorsque j’écoute une musique. Vous avez rempli ce besoin primaire de me sentir aspiré lorsque j’écoute un disque.
Et puis, en cette fin d’été, je pose enfin le disque sur la platine, et là, c’est tout mon être qui déraisonne. Vous adjoindre les services de BJ BURTON est sans doute la plus belle idée du disque car cette production excessive, qui dévore la peau d’âme dès que l’on s’en approche, vous immerge jusqu’à la gorge pour la nouer un peu plus fort à chaque écoute. Oui, vous m’avez pris par surprise, là où tous les sons se sont mis à danser partout autour de moi, comme à 360 degrés, comme posant vos bras autour de moi pour m’accabler et me réconforter à la fois. Jamais vous ne m’êtes apparus si puissants, si miraculeux, mais aussi si glaciaux et lucides sur le monde qui nous entoure.
Car il n’est finalement question que de cela. Une description au scalpel de notre monde en déliquescence. Depuis tout ce temps que je vous suis, j’ai tout de même posé un genou à terre, comme lors d’un retour de flammes éternelles qui jaillissent d’on ne sait où, à cet instant précis où l’on n'attendait plus rien. Sans doute allez-vous diviser, entre ceux qui vont aimer, ceux qui vont trouver votre nouvel album insupportable de manière et de production, mais le point névralgique où se croisent les bruits blancs, les silences frôlant les cieux ou les drones tendus, les voix fragiles ou déstructurées, les batteries concassées et les guitares éthérées comme jamais, est un axe qui m’est paru évident puisque regroupant plus ou moins tout ce que j’aime en musique.
A l’image de l’être que l’on chérit le plus et qui vous offre, par surprise et sans raison, le cadeau dont vous auriez rêvé toute votre vie. Chère Mimi, cher Alan, merci d’avoir décidé de quitter définitivement les terres largement cultivées du Slowcore pour éclore au grand jour sous cette lumière embrasée et d’avoir donné naissance à ce qui sera sans doute à jamais pour moi, votre plus belle œuvre.
Cette semaine, c'est le retour de la MARE AUX GRENOUILLES, vendredi soir à 21h en direct sur Twitch, c'est gratuit alors on compte sur vous ! D'ici là, voici le programme de la semaine. Retrouvez-nous aussi sur nos réseaux sociaux !