Comédie dramatique de Quentin Laugier, mise en scène de Alexis Moati, avec Carole Costantini, Pierre Laneyrie, Lucas Lemaire, Chloé Martinon, Alexis Moati et Léopold Moati (en alternance avec Silas Buttner).
Voilà une création d'un jeune auteur, Quentin Laugier, 29 ans, qui prend à rebrousse-poil les mythes américains. Dans "Happy Birthday, Sam !", pas question de faire l'apologie de l'Amérique profonde, de ses chemises de bûcheron et de ses barbecues, de ses filles pom-pom girls et de ses garçons aux épaules carrées de footballeur.
Si la maison dans les bois typiquement étasunienne est dans le décor, c'est en photo en fond de scène, comme elle pourrait être en fond d'écran. Autour d'elle, le scénographe Thibault Vancraenenbroeck a "construit" des ruines avec fouillis de bouts de bois, poteaux en forme de rondins prêts à être remis dans leurs trous et petit rocking-chair intact.
Car la maison, comme la famille, a sauté et ses ruines éparses sont les triviales métaphores d'une pièce qui a pris pour héros un couple de "terroristes" qui pendant des années vont sillonner l'Amérique pour en détruire les symboles.
Quentin Laugier reprend l'argument du roman de Philip Roth, "Pastorale américaine" et du film de Sidney Lumet, "A Bout de course", œuvres consacrées à des activistes américains d'ultra-gauche qui, dans les années 1970, et parfois longtemps après, menèrent un combat solitaire contre la première puissance du monde.
Comme dans le film de Lumet, Laugier s'attache aux enfants et à leur devenir, puisqu'ils finissent par être séparés, eux qui, pendant des années, fuyaient constamment et changeaient sans arrêt de prénoms, au risque de n'avoir plus qu'une identité fictionnée.
Racontée dans le désordre, donnant ainsi à leur chaos existentiel une dimension supplémentaire, "Happy Birthday, Sam !" est monté savamment par Alexis Moati. Il enchaîne les saynètes qui s'entrechoquent à un rythme rapide et sait éviter les répétitions dans les effets. Sur un thème paradoxal, il décrit une Amérique anti-américaine qui se cache en jouant à être en apparence la famille américaine la plus typique pour ne pas être démasquée.>
Famille nucléaire où les deux garçons, des surdoués dans leur genre, sont à la fois fusionnels et contraires, en recherche l'un de l'autre et les victimes collatérales de la vie que leur a imposé leurs parents.
Sans doute parfois encore un peu théorique, cette pièce toute neuve, mériterait quelques aménagements. Elle est si foisonnante, si riche en idées, si farouche dans sa forme et si exaltée dans son fond, qu'il faudra bien lui apporter quelques touches pour l'apaiser et la resserrer.
Mais mieux vaut trop que trop peu et "Happy Birthday, Sam !" qui n'est à la manière de personne, révèle une écriture théâtrale d'un jeune auteur qu'il ne sera pas utile d'inciter à poursuivre, tant il est patent qu'il est fait pour l'exercice théâtral.
Menés par Alexis Moati, les acteurs que l'on suit à tous les âges, et comme on l'a dit dans un désordre habilement orchestré, ce qui les oblige constamment à changer de peau - voire de tête - sont formidables. Bravo donc à Carole Constantini, Pierre Laneyrie, Lucas Lemaire, Chloé Martinon, Silas Buttner et Alexis Moati qui seront ainsi les premiers à avoir interprété ce beau texte de Quentin Laugier. |