En plus d’avoir un nom de famille imprononçable à qui a le muscle buccal mal entraîné, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’homme est prolixe. Alexis HK s’est talentueusement mesuré à Brassens dans Georges & moi, a écrit pour les plus petits Ronchonchon et Compagnie et a fait chavirer nombre d’amateurs de phrases chaloupées. Comme un ours est son neuvième album.
Les plus cyniques diront que la qualité n’égale pas la quantité (parce qu’il faut bien dire quelque chose de désagréable pour être craint – donc respecté – dans leur monde du qu’en dira-t-on…). Chacun son point de vue.
J’aime retrouver le timbre grave et profond d’Alexis HK, sa façon de fredonner en sourdine, pas de colère dans sa voix, pas de résignation dans ses propos. Seul reste le simple constat poétique des paradoxes humains pas si simples. Ses silences éloquents ne culpabilisent pas. Ses paroles ne pointent pas les comportements. Il est un chansonnier du quotidien, suffisamment blasé pour ne pas paraître trop enthousiaste, un poète solitaire friand de collaborations.
C’est presque tout seul qu’il façonna cet album tendre et lucide. Comme un ours incarne le désarroi de la bonne grosse bêtise humaine, humains désappointés puisant le courage dans l’amour et la nostalgie.
"Méchant bobo parisien, crypto gauchiste de malheur, responsable du déclin de la famille et des valeurs, se prépare vos grands retours des fossoyeurs qui fascisent […] Tant de responsables aux misères du peuple offusqué, les bouc-émissaires risquent d’être assez surbookés" ("Les pieds dans la boue"). Il chante les cicatrices que les conflits armés laissent, nostalgie du temps des cerisiers fleuries d’antan ("Le cerisier") et la solitude des êtres sommés de se socialiser : "Ils n’étaient pas les seuls à faire de leur lit une base arrière à la mélancolie" ("Comme un ours").
Tendres, les textes d’Alexis HK ont la bienveillance des sourires sincères, "les fruits vermeils qui nous poussent aux enfantillages et que j’accroche à ton oreille" ("Le cerisier") et l’inexplicable amour quasi filial entre les hommes et leur chien : "C’est un ami qui te guérit de la défaite, qui te suivra même si tu finis malhonnête, qui a dans les yeux une étincelle plus généreuse que beaucoup de déclarations d’amour douteuses, Je veux un chien, un vrai, un chien qui sert à rien […] J’en ai assez de tous ces chats égocentriques qui te méprisent entre deux siestes" ("Je veux un chien").
Non sans humour, Alexis HK vit le moment présent, un air de passé pour un instant de futur. L’auteur est de ces doux rêveurs, un peu poète, un peu ascète, tenant toujours par la main l’enfant qui le regarde de son œil serein. Le musicien, lui, use de la délicatesse des cordes frappées et de la mélancolie des cordes frottées, maniant l’un et l’autre en mélodies trotte menues s’insinuant sur le bout de la langue.
Des conséquences du sucre massacreur de silhouette ("Sucré") aux grands carnages de la bêtise humaine ("Marianne"), l’auteur-compositeur-interprète a tout des chansonniers dont on aime fredonner les airs et paraphraser les tournures. Chaque titre raconte une histoire, il est là le Brassens du siècle, n’attendons pas son trépas pour le couvrir d’éloges.
Non, Alexis HK n’est pas un ours mal léché, grinçant des dents et grognant sans vergogne, il n’a d’ours que la voix et la douceur à l’intérieur, faut pas le chercher, voilà tout…
# 03 novembre 2024 :Pendant que l'on retient notre souffle
Une semaine qui verra, ou non, le monde basculer du côté obscure de la force, la force avec un petit "f". D'ici là cultivons-nous pour éviter de finir comme "eux". Et toujours Le replay de la MAG#91 disponible en attendant la #92 le 8/11...Pensez aussi à nous suivre sur nos réseaux sociaux.