Les anges sont de retour ...
Cité et adulé par toutes les stars du rock des 90's et par les plus "jeunots", il y avait fort à parier sur un retour en fanfare de l'un des plus grands groupes de tous les temps. Les fans repartent en virée.
A vrai dire, on ne compte plus les nombreux albums, réeditions, ou encore le dernier coffret deluxe regroupant les meilleurs remix de Depeche Mode. On pensait même à une étrange discorde entre Dave Gahan, leader (contestable?) du combo, et Martin Gore, siamois à la mode, suite aux projets parallèles que chaque protagoniste avait réalisé par le passé.
Tout semble rentré dans l'ordre, et Playing The Angel réconcilie manifestement la nostalgie du passé avec une certaine ferveur que le présent fait aussitôt ressurgir dans nos coeurs.
Retour ambitieux sur le devant de la scène pop/electro, Playing The Angel s'impose d'emblée par le succès actuel de son single "Precious", véritable petite perle électro qui rappelle furieusement l'époque du titre novateur "Everything Counts" (personne ne peut oublier son refrain, personne ne s'est gêné pour le reprendre à toutes les sauces), soit plus de 10 années en arrière.
Mais la comparaison s'arrêtera sur ce seul point dans la mesure où "Precious" est le seul titre qui, de par son rythme et sa facilité, ne rentre pas dans la substance profonde de l'album : son identité particulière, entraînante, ne révèle en rien l'impression de tristesse et de complexité qui m'a énormément surpris à la première écoute.
Pour un acharné de Depeche Mode, il est peu habituel de voir Dave Gahan assurer l'écriture des titres de cet album, alors que l'exercice était précédemment assuré par Martin Gore. Voire les deux, mais on attribuait plus volontiers la patte de l'écrivain au sophistiqué Martin.
Groupe complexe dans l'âme, la production signée Ben Hillier (The Doves, Blur, Elbow ...) n'arrange rien pour clarifier les choses : mélodies parfois sombres, multiplication d'effets sonores aussi étranges les uns que les autres, effets vocaux sortis de nulle part ... On s'enlise joyeusement dans un bourbier aussi noir que l'ange représenté sur la pochette (réalisée par Anton Corbijn pour l'anecdote).
Impression de tristesse en effet, non dissimulée dès que l'on écoute le titre "Macrovision", telle une plainte adressée à l'ordre décadent de la création cosmique. Logique de l'intériorité également dès lors qu'on s'embourbe encore plus dans l'écoute des titres "Suffer Well", "Introspectre", qui nous invitent aussi bien à rentrer dans l'âme de Dave Gahan que dans la notre.
L'effet est terriblement fascinant, il semble bien que tout cet album agit comme un miroir sur les côtés les plus sombres de nos affections. De toute évidence, Depeche Mode prend un malin plaisir à composer dans un registre psychologique, pas forcément réservé aux freudiens, mais accessible à ceux qui mettent à nu les parties cachées des passions humaines : Eros, Thanatos et Narcisse s'en donnent à coeur joie.
Bel objet de substance active et profonde, voire terriblement complexe, ce nouvel album de Depeche Mode n'en est pas moins hautement recommandable. Subtil et tout en confiance, le combo s'assure d'une reconnaissance éternelle aussi bien dans nos discothèques que dans nos coeurs.
L'introspection est un exercice nécessaire de l'esprit, n'est ce pas? Ouvrez grand vos oreilles, vous verrez des anges. |