Membre de plusieurs groupes dans les années 80 & 90 (Begin Says, Zig Rag Orchestra…), Laurent Saïet fonde en 1994 le label Trace avec Patrick Müller et Guillaume Loizillon sur lequel il a édité jusqu’ici 5 albums en solo entrelaçant sa musique et le cinéma. Menant une carrière collaborative prolifique en parallèle, il sort ces jours-ci un sixième opus puissant et consistant.
Entre saveurs électroniques, senteurs organiques, ce disque aux textures aventureuses mélange les sonorités du saxo de Quentin Rollet, de la batterie de Jean-Noël Cognard et les nappes synthétiques, les guitares filandreuses et les boucles tendues de Laurent Saïet pour un disque aux allures Dark Ambiant mais qui emporte le tout grâce à un savant dosage d'organique et de machines angoissées.
Avec une pochette que l'on pourrait presque croire être une œuvre d'un Hans Ruedi Giger quelque peu apaisé, cette bande son pour film Alien s'avère bien plus lumineuse qu'il n'y paraît au premier abord. En effet, à l’heure de l’efficacité primaire, de la seconde accrocheuse, les ambiances sont ici progressives et complexes, enveloppant ainsi des motifs parfois limpides, à l’instar des interventions lumineuses de Quentin Rollet qui prouve une fois de plus combien ce caméléon est capable de se fondre et de se mouvoir dans des univers variés et riches de références.
Les sonorités électroniques et synthétiques qui placent l’ensemble de cet opus sur un plan de la Dark Ambiant offrent malgré tout une ouverture plus complexe avec des chemins qui naviguent et traversent sans cesse les couloirs labyrinthiques d’une musique en mouvement perpétuel. Laurent Saïet a la finesse de ne pas s’enfermer dans une forme monolithique qui pourrait lasser sur la longueur. Les différentes modulations se distillent donc au cœur d’une musique magnifique, froide et envoûtante, à la fois étouffante et lumineuse, avec des boucles martelées ajoutant ce sentiment de précipice que l’on scrute de loin, le voyant se profiler peu à peu.
Attachée à l’univers de Lovecraft, dont chaque titre est inspiré d’une manière ou d’une autre, la musique de Laurent Saïet développe une forme de cinématographie musicale oppressante qui parvient à se frayer des coursives vers des lumières mortifères et soyeuses à la fois. L’ajout d’éléments organiques organisés en réverbération profonde soulève une tonalité grave, incitant les forces telluriques créées de toutes pièces et pourtant pleines d’authenticité, à vibrer de toute part. Les entrelacs électroniques et les tournures horrifiques des matières sonores font peu à peu sombrer l’album dans une forme de catharsis contemplatif projetant l’auditeur dans une chute sans fin.
Malgré tout, la sensibilité des différents musiciens permet de ne pas rendre distante cette musique qui pourrait sembler froide au premier abord mais qui vous accueille de sa chaleur curieusement inhumaine. |