Monologue dramatique d'après l'oeuvre éponyme de Bergsveinn Birgisson dit par Roland Depauw dans une mise en scène de Claude Bonin.
Au mois d'août 1997, Bjarni Gislason, au terme de son existence, alors qu'il est âgé de 90 ans et se prépare à rejoindre la maison de retraite, revient à la ferme familiale dans la campagne d'Islande et répond enfin à la lettre que lui a adressé des années auparavant Helga, celle qui fût le plus grand amour de sa vie.
Parce qu'il n'aura pas voulu la suivre pour la grande ville, Reykjavik, ayant fait le choix de la nature et des traditions ancestrales, Bjarni portera cet amour disparu toute sa vie comme une obsession. Il fait part dans cette lettre de son regret éternel tout autant qu'il écrit un hymne à la nature islandaise toute entière.
Pour adapter le roman de Bergsveinn Birgisson (traduit par Catherine Eyjolfsson), Claude Bonin a privilégié les dernières années de cette saga et évidemment la passion foudroyante entre le contrôleur du fourrage Bjarni et Helga, l'éleveuse de moutons.
Le texte d'une puissance peu commune de Bergsveinn Birgisson est mis en valeur par la mise en scène en tous points magnifique de Claude Bonin qui mêle dans un équilibre délicat tous les éléments de ce spectacle fascinant. La splendide scénographie de Cynthia Lhopitallier représente la facade en bois de la bergerie dont les planches peu à peu s'écroulent, tout comme l'âme de Bjarni.
La création sonore de Nicolas Perrin réalisée en direct utilise des sonorités atypiques et particulièrement évocatrices. Dans l'ombre du comédien, il est une présence constante qui soutient le texte et lui donne une harmonieuse singularité. Derrière les planches, on découvre peu à peu le travail vidéo de Valéry Faidherbe, jamais illustratif mais éminemment symbolique, également de très grande qualité.
Enfin, le comédien qui tient ce monologue ardent de bout en bout est l'exceptionnel Roland Depauw qui porte ce parcours de vie avec toute son expérience de jeu pour un résultat éloquent d'une force rare. Dirigé d'une précision d'orfèvre par Claude Bonin, il propose plus d'une heure durant une performance qui force le respect.
Sans faiblir un seul moment, il charrie la langue brute et charnelle de Birgisson avec un engagement intense et une pugnacité incroyable, donnant à voir toute la passion sensuelle et toute la douleur de cet homme dont l'amour de la nature et de son travail éclate à chaque moment.
D'une esthétique flamboyante et d'une puissance incandescente, "La Lettre à Helga" est un immense spectacle d'une émotion et d'une beauté impressionnantes.
Un chef d'oeuvre à ne pas rater. |