Réalisé par Sara Driver. Etats Unis. Biopic. 2h06 (Sortie le décembre 2018).
Depuis sa mort en 1988, Jean-Michel Basquiat est devenu une légende. Julien Schnabel, un autre peintre célèbre, lui a déjà consacré un biopic, et de nombreux documentaires ont conté sa courte de vie d'artiste incandescent.
Sara Driver (Madame Jim Jarmusch), qui n'avait pas tourné de films depuis une vingtaine d'années, a décidé de s'intéresser à ses premières années d'artiste.
Entre 1978 et 1981, le jeune Basquiat, haïtien de New York, écume la ville qui, à cette époque, est une ville en ruines, en quasi faillite économique et dont le centre-ville est livré aux pauvres et aux créateurs.
Paradoxalement, avant qu'ait lieu sa rénovation urbaine, qu'elle redevienne un centre d'affaires et un antre bobo, le New York qu'habite ou squatte Basquiat bouillonne de gens comme lui, ivres d'énergie créatrice, libres dans une mégalopole apparemment débarrassée du capitalisme dominant et où tout redevient possible.
Pendant son adolescence, Basquiat que l'on voit sans cesse souriant sur ses photos, découvre le tag et colore les murs délabrés de sa ville en signant SAMO (Same Old shit). Activiste fébrile, ses nombreux dessins et graffitis plein d'originalité et annonçant ses œuvres picturales sont vite remarqués. Lui qui traîne à droite à gauche, dort dans la rue ou chez qui veut bien l'accueillir, est en train de construire les prémisses de son mythe.
Sara Driver, qui l'a connu à cette époque où les artistes underground ou d'avant-garde new-yorkais pouvaient communiquer avec un petit gars venu d'ailleurs, s'attache ainsi à la naissance du dernier génie du 20ème siècle.
Elle recueille les témoignages de tous ceux qui l'ont fréquenté à cette époque. On y verra même un certain Jim Jarmusch, qui, presque quarante ans après, explique que d'avoir croisé Jean-Michel Basquiat reste un des grands moments de sa vie.
Agrémenté de photos de Basquiat qui a tout d'un archange débarqué à New York pour de son pinceau magique redonner à la Grosse Pomme de la couleur et de la vie, "Basquiat, un adolescent à New York" de Sara Driver n'est pas un documentaire parmi d'autres. On sent qu'elle y met beaucoup d'elle-même, qu'elle revit un âge d'or, celui d'avant la gentrification de la ville.
Dans cette période, Basquiat va troquer ses habits d'enfant terrible pour enfiler ceux d'un peintre de plus en plus célèbre.
Fini le tagueur sans attaches et sans soucis, bientôt va lui succéder un jeune homme avide de réussite, adoubé par le tout New York à commencer par Andy Warhol, un jeune homme qui va tomber dans la drogue qui coule à flot dans les quartiers arty de cette nouvelle Babylone.
Sara Driver filme particulièrement bien les œuvres de Basquiat. Sans chercher à être didactique, elle retrace son parcours et l'éclaire. Dans ce portrait chaleureux, les témoignages sans concessions ni acrimonie se succèdent accréditant l'idée que ce lutin talentueux ne pouvait être qu'un météore laissant derrière lui des trésors incomparables.
"Basquiat" de Sara Driver est un documentaire, qui, à l'instar des œuvres du peintre new-yorkais, donne une énergie d'adolescent, pure et sans arrière-pensées. Un film qui sera la référence pour ceux qui voudront découvrir un artiste essentiel.
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