Géométries sous-cutanées
(Catgang Music) février 2019
"Tout art et toute recherche, de même que toute action et toute délibération réfléchie, tendent, semble-t-il, vers quelque bien. Aussi a-t-on eu parfaitement raison de définir le bien : ce à quoi on tend en toutes circonstances." Aristote
"Je suis à l’écoute de ce que l’on pourrait appeler des signes. J’ai tendance à aimer laisser parler tout ce qui me traverse, tout ce qui passe à travers mon corps, mes bras, mes mains, pour finalement atterrir sur les touches du piano." Catherine Watine
Comme souvent chez Catherine Watine, ses pochettes sont le reflet de sa musique, la forme renvoyant au fond (végétal et organique pour This Quiet Dust et Still Grounds For love, les landes pour Atalaye, le mystère pour Dermaphrodite...). Pour ce Géométries sous-cutanées, la musicienne française a collaboré avec Vel (Caroline Lysiak). De la statue d’Aphrodite (comme symbole incoercible de la femme et de la fécondité, non pas dans son fruit, mais dans le désir passionné qu’elle allume chez les vivants, renvoyant aux désirs "romantiques" de l’artiste) s’échappent des oiseaux qui sont autant de notes, de pensées, de respirations, d’envies provenant du plus profond (du cœur autant que de l’esprit) de la chanteuse.
Chez Watine, la musique est le miroir de ses émotions, de sa vie. Sa musique est insécable de sa personnalité et ce Géométries sous-cutanées est peut-être son disque le plus personnel. Sans rentrer dans les détails mais son piano (ah ! Son piano auquel elle tient tant !) a été comme une bouée de sauvetage, un rempart et l’écriture musicale une échappatoire, une fenêtre ouverte, un souffle nouveau pour un nouvel envol (qui renvoie une nouvelle fois à la pochette).
Disque très instrumental, à peine chanté (et dans ce cas, la voix est très en retrait), Watine affirme enfin, comme une seconde naissance ou une renaissance plutôt, son moi musical, autant porté par la musique classique que par la musique rock et électronique, ou par la musique classique vue par le prisme du rock et de l’électro et inversement. Surtout, elle lâche prise (en espérant qu’elle continue dans cette voie) peut-être aidée par quelque homme de l’ombre, élargit le temps s’éloignant des formats pop et accepte, et assume, une écriture orchestrale et libre, plus imaginative que descriptive.
Une écriture voisine, inconsciemment ou pas, d’une sorte d’esthétisme proche d’une vision rappelant le poème symphonique, comme le rappelait Liszt : "il porte en lui la capacité de transmettre à la musique instrumentale des types caractéristiques qui sont presque identiques aux différents genres poétiques. Il peut lui donner la tenue de l’ode, du dithyrambe, de l’élégie, en un seul mot, de chaque poésie lyrique (...) même si la musique instrumentale a déjà longtemps exprimé les atmosphères propres à ces différents genres, elle peut pourtant obtenir des avantages nouveaux et insoupçonnés par la définition de la matière, par le rapprochement de différentes idées, par les affinités électives de certaines figures, par la séparation ou la liaison, l’ordonnance ou la fusion de certaines images et de certains choix poétiques".
Il y a quelque chose de poétique, de néo-romantique, ou de son fantasme, de romanesque, d’immersif (cette impression d’être dans un cocon) et de presque contemplatif, comme opération de l’âme (et comme le précise Aristote dans Ethique à Nicomaque), le bonheur réside dans la contemplation dans ce disque. Mais Watine n’oublie jamais que sa musique est toujours portée par les mélodies. Elle est comme un peintre jouant avec les couleurs, les timbres, les nuances où tempêtes et passions se mêlent. La vie est au cœur de ce disque. Une nouvelle fois, la grande dame blanche touche au cœur des émotions.
Coup de froid sur le pays, tant en terme de météo que de politique. Réchauffons nos petits coeurs avec de la musique, des livres du théâtre et la MAG#90...
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