Monologue dramatique d'après un roman de Pascal Manoukian conçu et interprété par Franck Mercadal.
En 2015, Patrick Manoukian publiait "Les Echoués" (Don Quichotte Editions). Il y contait les parcours de trois réfugiés arrivés en France : Virgil le Moldave, Chanchal le Bangladais et Assan le Somalien.
Franck Mercadal l'a lu et a décidé de l'adapter. Il en a tiré un "seul-en-scène" qui ne mérite pas ce nom puisqu'il incarne plus de vingt personnages pour raconter le quotidien des trois jeunes hommes qu'a suivi Patrick Manoukian dans leur parcours sans fin pour survivre, trouver du travail, éviter les reconduites à la frontière, obtenir les sacro-saints papiers d'identité synonymes de vie nouvelle et peut-être au bout du bout faire venir leurs familles.
A la différence du "roman"de Patrick Manoukian, Franck Mercadal s'est inventé un personnage "français". C'est Julien. Julien l'informaticien. Un Français pur jus, cartésien et bobo qui n'est pas particulièrement meilleur que les autres, mais qui a la curiosité des statistiques. Une curiosité qui, dans ce cas, n'est pas un vilain défaut mais qui va en faire un "juste" moderne.
Avec sa femme, Élise, et sa fille Camille, ils vont découvrir une autre France, un autre monde. Tout va commencer par une petite maison de famille à repeindre. Julien, comme bien d'autres, va se rendre sur un parking de la région parisienne où l'on peut trouver des peintres au "black".
Et c'est ainsi que tout commence : Julien va découvrir des hommes qui travaillent avec la peur d'être reconduits à la frontière au moindre contrôle policier, qui acceptent d'être sous-payés et logés par des marchands de sommeil...
En une heure bien dense, bien nourrie de faits qui font frémir et serrer les poings sur les souffrances quotidiennes de gens que l'on peut croiser sans les voir ou en faisant semblant de ne pas les voir, un jour ou l'autre, un soir ou l'autre, Frank Mercadal fait vivre tous ces personnages.
En un geste, une attitude, chacun est clairement défini et identifié. Jamais on ne perd le fil. Au contraire, on entre de plain-pied dans ce petit monde qui peu à peu remplit la scène. Pas besoin d'en faire beaucoup, Camille la fille de Julien, par exemple, c'est un "croisement maladroit" de jambes d'ados.
C'est elle, Camille, qui propose la maison retapée de grand-mère pour loger les trois peintres. Elle, donc, qui entraîne son père et sa mère à faire quelque chose de tangible, à prendre aussi un risque. Julien l'informaticien est un peu un héros malgré lui et l'on est content qu'il existe, même virtuellement.
"Les Echoués" version Franck Mercadal n'est pas un exercice de bonne conscience et de bien-pensance. Au contraire, c'est un témoignage fort d'un comédien qui met tout son art au service d'autre chose que le rire à heures fixes.
On est vraiment content de pouvoir dire que son spectacle mérite une grande attention parce qu'il brasse de la générosité mais aussi, et à part égale, parce qu'il révèle un talent exceptionnel et très rare. Celui justement de porter bien haut les mots et les choses. Franck Mercadal sait dire et sait faire partager. Avec force. Avec conviction et sans un soupçon de démagogie. |