"Je mangeais, mangeais, mangeais et j’espérais que si je me rendais grosse, mon corps serait protégé. J’ai enterré la fille que j’étais, elle n’arrêtait pas de se créer des ennuis. J’ai voulu effacer tous mes souvenirs d’elle, et pourtant elle est encore là, quelque part…"
Avec Hunger, qui vient de sortir chez Denoël, Roxane Gay nous propose un essai courageux et sans concessions dans lequel elle nous raconte comment une agression sexuelle subie dans son enfance l’a conduite à prendre volontairement du poids afin d’être invisible et par conséquent en sécurité.
Pour elle, chaque corps a un passé et un passif. Elle nous raconte ceux du sien, l’histoire de son corps et de sa faim. On n’est pas évidemment dans le récit d’un triomphe ni sur un récit sur la perte de poids et encore moins sur un récit pour essayer de motiver des gens à perdre du poids. Roxane Gay nous propose une histoire vraie, la sienne, une confession intime qui va nous dévoiler ses facettes les plus laides, les plus faibles et les plus à vifs.
Avec son ouvrage, l’auteur a voulu, au travers de l’histoire de son corps, nous proposer un ouvrage sur la disparition, la perdition tout en souhaitant être vue et comprise. Roxane Hunger a atteint le poids de 261 kilos à un certain moment de sa vie. Avec une taille de 1,91 mètre, son indice de masse corporelle dévoilait non pas une obésité morbide mais une obésité massive.
Elle a très vite perdu le contrôle de son corps suite à un viol collectif dans son enfance qu’elle nous décrit dans le livre. Elle s’est mise en danger pour modifier son corps de façon délibérée. Elle souhaitait que son corps devienne répugnant pour tenir les hommes à distance.
Sa vie se décompose en deux temps avec un avant et un après. Avant qu’elle prenne du poids, après qu’elle ait pris du poids. Avant qu’on ne la viole, après qu’on l’ait violée. Elle nous raconte donc cet avant puis cet après dans un témoignage bouleversant qui ne peut pas laisser de marbre le lecteur.
On la suit au cours de sa vie avec, en toile de fond, l’évolution de son corps entre perte et prise de poids : elle nous raconte le lycée, ses années de fac, sa solitude et le vide sentimental qui a jalonné ces périodes. A chaque fois, elle se réfugie dans la nourriture, une nourriture qui ne la juge pas et qui n’exige rien d’elle.
Elle nous parle aussi, et c’est un des aspects les plus intéressants du livre, de regard des autres et de la société sur l’obésité. Ce fléau qui touche particulièrement la société américaine fait l’objet de nombreuses émissions de téléréalité dont l’auteur nous parle. Elle touche aussi beaucoup la publicité, particulièrement sur les chaînes féminines qui multiplient les publicités pour les produits d’amaigrissement et la nourriture diététique.
Alors voilà, Hunger est un superbe ouvrage, le témoignage bouleversant d’une femme qui nous donne une leçon fondamentale pour que l’on comprenne que nous devrions tous faire preuve de davantage de bienveillance envers la réalité du corps des autres et nous réconcilier avec le nôtre. |