Edgar Hilsenrath nous a quittés le 30 décembre dernier à l’age de 92 ans. Cet immense auteur de langue allemande, issu d’une famille juive déportée dans un ghetto ukrainien pendant la Seconde Guerre mondiale nous laisse une œuvre immense, traduite en 18 langues, vendue à plus de 5 millions d’exemplaires à travers le monde.
Longtemps refusé par les éditeurs allemands qui craignaient les réactions à son approche très crue de la Shoah, il connaîtra d’abord le succès aux Etats-Unis avec ses deux ouvrages majeurs, Nuit et Le nazi et le barbier. Terminus Berlin est donc son ultime roman, l’un de ses romans les plus poignants concernant le retour désenchanté de son héros en Allemagne.
Fidèle à son humour, il raconte une nouvelle fois avec dérision, la marque de fabrique de cet auteur, le destin d’un alter égo littéraire qui, près de trente ans après avoir quitté l’Europe et ses fantômes, retrouve son pays natal et Berlin.
Lesche, le personnage du roman, traumatisé par ses expériences du ghetto, peine à trouver sa place dans un Berlin marqué par le consumérisme et la chute du mur. On y voit les Berlinois tenter de réapprendre à vivre ensemble, après une séparation de près de trente ans, on y découvre une ville cosmopolite peuplée de gens qui continuent de se questionner sur l’attitude à avoir vis-à-vis des juifs. Il reçoit des menaces, son domicile est régulièrement l’objet d’actions antisémites.
Les rencontres improbables qu’il fait et la résurgence glauque du fascisme avec les néo-nazis forment la trame de ce dernier roman de l’auteur. Il va découvrir que ce monstre du nazisme n’est pas totalement enterré, qu’il survit toujours autour de groupuscules qui profanent des tombes, s’en prend aux migrants et aux juifs.
Evidemment, tout cela est raconté avec l’ironie et l’humour qui caractérisaient tant Edgar Hilsenrath. Son personnage principal est très drôle, de par son comportement, ses appétences sexuelles et sa façon de s’exprimer.
Avec ce court ouvrage d’un peu plus de 200 pages, l’auteur confirme qu’il est un auteur à part de la Shoah et clôture de façon émouvante son œuvre. Publié en Allemagne en 2006, l’auteur considéra que son œuvre était close, qu’il n’avait plus besoin d’écrire. La fin du livre particulièrement émouvante, de toute façon, laissait comprendre que l’oeuvre se terminait.
Edgar Hilsenrath nous laisse donc orphelins, un peu triste aussi mais on pourra toujours se consoler par son œuvre qui ne s’effacera jamais. |