Monologue dramatique d'après les carnets de Marina Tsvetaeva interprété par Clara Ponsot dans unemise en scène de Marie Montegani.
L'histoire de la poétesse russo-soviétique Marina Tsvetaeva (1892-1941) n'est pas un conte de fées. Si elle est très connue pour sa correspondance fournie avec Boris Pasternak, on ne sait finalement pas grand-chose d'elle, sinon qu'après un exil de presque vingt hors de l'URSS, elle y est retournée en 1939 pour s'y pendre trois ans plus tard, seule et désespérée, après avoir été déportée en république de Tartarie.
Tiré des "Carnets de notes" de la poétesse, adapté du recueil "Vivre sans le feu" présenté par le grand philosophe Tzvetan Todorov, "Et ma cendre sera plus chaude que leur vie" est un texte crépusculaire qui annonce le destin tragique de Marina Tsvetaeva.
Dans la version proposée par Marie Montegani, Clara Ponsot est assise sur une chaise, dans une pénombre qui durera pendant tout le spectacle. Derrière elle, une toile sur laquelle Nicolas Simonin crée une ambiance abstraite qui, parfois, passe à des scènes figuratives, comme ce moment où vont, la boule à zéro, dans un noir et blanc sale et brumeux, apparaître des petits orphelins.
Car Clara-Marina, d'une voix au timbre grave,sans la moindre intonation ironique et toujours dans un tragique rauque, va parler de ces années où elle et ses filles ont vécu dans une misère noire, aboutissant à la mort de l'une d'elles, Irina.
C'est pris à la gorge par ses malheurs, presque incapable de sentir qu'elle est aussi poète, que l'on écoute Clara Ponsot dans ce récit qui laisse peu de place pour s'échapper, pour tenter d'éviter la noirceur de cette existence malheureuse et par ailleurs pleine d'une incompréhensible énergie de survie, tout au moins en apparence...
Féministe épris d'absolu, elle déploie une parole qui la sauve et qui la condamne en même temps. Pas de chance qu'elle soit née là-bas et qu'elle est voulue y combattre alors qu'il fallait vraiment se taire et faire le gros dos.
Assise en permanence sur sa chaise, dans une économie austère de gestes et de mimiques, Clara Ponsot en impose et impose son jeu comme seule possible pour transfigurer la poétesse maudite.
On ne s'amusera pas pendant ces quatre-vingts minutes passées en sa compagnie, mais on sera totalement à son écoute, saisi par les mots qu'y jaillissent d'elle sans aucune retenue et par le jeu presque brutal qui la conduit à être une Marina Tsvetaeva rétive à toute concession et prête à s’immoler quand il n'y aura plus de solution, plus aucune étincelle pour que la poésie se glisse dans les interstices des parapets étanches.
"Et ma cendre sera plus chaude que leur vie", rencontre d'un texte et d'une actrice, apporte la preuve que le théâtre peut-être exigeant et populaire, noir et lumineux à la fois et on y perçoit les échos de la pureté d'une femme exigeante.
Un beau spectacle qu'il faut accepter sans réticence.
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