Jusqu’à maintenant, mes lectures nigérianes se limitaient aux excellents ouvrages de Chinelo Okparanta et Chimamanda Ngozi Adichie. Elles s’ouvrent maintenant à une nouvelle petite venue avec le premier roman d’Oyinka Braithwaite qui vient de paraître chez Delcourt Littérature. Oyinka Braithwaite est une jeune auteur qui vit à Lagos. En 2016, elle a été finaliste du Commonwealth Short Story Prize. Vendu dans de nombreux pays, Ma sœur, serial killeuse, va bientôt être adapté au cinéma.
Ma sœur, serial killeuse nous raconte l’histoire de deux sœurs : Korede et Ayoola. Korede est l’aînée, un peu amère vis-à-vis de sa sœur. Il faut bien dire que sa sœur Ayoola a tendance à vraiment abuser. Non contente d’être la plus belle, la favorite de sa mère, elle a la fâcheuse habitude de tuer ses amants. A chaque fois, elle appelle au secours sa sœur pour s’occuper des cadavres. Avec le temps, Korede est passée experte pour faire disparaître les traces de sang, et le coffre de sa voiture est toujours suffisamment pour déplacer le macchabée.
Sauf que Korede a aussi une vie à mener, elle aussi, loin des activités de serial killeuse de sa cadette. Elle est secrètement amoureuse de Tade, le séduisant médecin qu’elle croise tous les jours dans les couloirs de l’hôpital où elle travaille comme infirmière. Aussi, lorsque sa jeune sœur jette son dévolu sur Tade, Korede se retrouve face à un dilemme : comment continuer à protéger Ayoola, sans risquer la vie de l’homme qu’elle aime ?
C’est donc une comédie noire que nous proposent les éditions Delcourt avec cette petite pépite littéraire tout droit venue de Lagos. Une comédie noire et surtout décalée, au-dessus de toute morale, aussi grinçante que glaçante. C’est décapant, profondément immoral et on adore ça.
Le livre est construit autour de chapitres extrêmement courts, intitulés d’un unique mot qui décrit parfaitement leur contenu. Ils s’enfilent comme des perles, donnant une vraie intensité à la lecture, faisant que les pages défilent très rapidement. Le personnage principal est Korede, qui nous raconte son histoire et celle de sa sœur.
L’écriture des deux personnages est particulièrement soignée. L’auteur prend soin d’approfondir la dimension psychologique des deux sœurs pour mieux appréhender leur comportement mais aussi leurs relations. L’humour noir est le fil conducteur de ce livre, manié à merveille par Oyinkan Braithwaite. Il est associé à une intrigue captivante autour du médecin convoité par les deux sœurs, ponctué de rebondissements bien choisis. A cela s’ajoute une critique en règle de la société nigériane, gangrénée par la corruption, les différences de classe et le machisme exacerbé.
Alors voilà, les éditions Delcourt ont eu de nouveau la main heureuse avec la publication de ce roman que l’on dévore avec grand plaisir, pénétrant dans l’univers ironique débordant d’imagination d’un auteur en devenir.
Ma sœur, serial killeuse est donc un roman insolite, drôle et captivant qui nous prouve que la littérature africaine est aussi riche de talents. Cette comédie à suspense, je vous laisse imaginer la fin assez surprenante, saura ravir ceux qui souhaitent sortir des terrains battus des polars classiques.
L’ouvrage est à la hauteur de sa couverture, magnifique et intrigant, un vrai régal de lecture. |