Musique sep Théâtre sep Expos sep Cinéma sep Lecture sep Bien Vivre
  Galerie Photos sep Nos Podcasts sep Twitch
 
recherche
recherche
Activer la recherche avancée
Accueil
 
puce puce
puce La Mort (d')Agrippine
Théâtre Dejazet  (Paris)  mars 2019

Tragédie de Hercule Savinien de Cyrano de Bergerac, adaptation et mise en scène de Daniel Mesguich, avec Sarah Mesguich, Sterenn Guirriec, Rebecca Stella, Joëlle Luthi, Jordane Hess et Yan Richard.

On a fini par savoir que Hercule-Savinien de Cyrano de Bergerac n'était pas simplement le héros de la pièce éponyme d'Edmond Rostand.

D'ailleurs, celui-ci, à la toute fin de son œuvre, quand Cyrano se meurt, évoque, par Ragueneau interposé, que Molière a "emprunté" pour "Les Fourberies de Scapin" le "Mais que Diable allait-il faire dans cette galère ?" à sa comédie "Le Pédant joué".

Mais Cyrano de Bergerac, a également écrit une tragédie, "La Mort d'Agrippine". Comme on la monte peu, on a eu tendance à la négliger, voire à la considérer comme une pièce datée et injouable. Grâce à Daniel Mesguich, on ne pourra plus prétendre cela. Car "La mort d'Agrippine" est au contraire une proposition qui précède et contredit l'irruption du "théâtre classique" avec ses "chefs d'oeuvre" maniérés engoncés dans des codes.

Ici, chez Cyrano, on est plus près de Shakespeare et de Game of Thrones. La conjuration contre l'empereur Tibère qui en est le centre est en effet titanesque et improbable, baroque et sanglante. Elle réunit Agrippine, la petite-fille d'Auguste, Séjanus, assassin de son mari Germanicus, et Livilla, sœur de Germanicus, belle-fille de Tibère et maîtresse de Séjanus.

Sentiments exacerbés, arrière-pensées déguisées dans de feintes embrassades, chaque membre du trio cache son jeu et n'aspire qu'à supprimer à la fois l'empereur et ses "partenaires" de complot. Les vers de Cyrano sont denses et envisagent toutes les opportunités. Car, et c'est là sa modernité inouïe, tout chez Cyrano n'est que langage.

L'intrigue ne se développe pas mais tous les cas possibles sont envisagés, évoqués, dits et redits, rendant apparemment impossible toute dramaturgie, contraignant à écouter jusqu'à satiété toutes les tirades sans qu'il ne se passe grand-chose sur scène avant que la conjuration échoue... avouée à l'empereur par Agrippine elle-même.

Daniel Mesguich s'est joué avec brio de cette difficulté. D'abord, l'action se passe sur une scène vide, simplement parcourue de fumées. Les acteurs oscillent entre pénombre et lumière avant que le noir se fasse quand on change de protagonistes.

C'est alors la voix-off de Mesguich, celle, onctueuse et ironique, d'un Deus es machina interférant avec l'athéisme de Cyrano, qui découpe, comme en chapitres, les propos des uns et des autres, commençant toujours par un "Où l'on voit Livilla....", un "Où l'on découvre que Tibère..."

Autre belle idée de Mesguich : avoir demandé à Dominique Louis, Stéphane Laverne et Jean-Michel Angays de réaliser des costumes plus proche des tenues des personnages de Conan le Barbare, voire de Mad Max, que des empereurs romains.

En une seconde, dès qu'on les voit, on comprend qu'il y a quelque chose de primitif, de sauvage, d'animal, chez ces "Césars" qui, tous, ont déjà des quantités de sang familial sur les mains. D'ailleurs, dans ses maquillages eux aussi très réussis, Eva Bouillaut a parsemé les visages des protagonistes d'évidentes taches d'hémoglobine.

Le côté rétro-futuriste est aussi accentué par le personnage de Tibère, jouée par une femme (Sterenn Guirriec) et quelle femme ! Son jeu outré, premier degré, convient parfaitement à ce que l'on conçoit d'un empereur "dégénéré" pas loin d'incarner un "troisième sexe".

Pareillement, Agrippine (Sarah Mesguich) n'hésite pas à ricaner, on dirait "sardoniquement" dans une bédé. Au respect scrupuleux du texte de Cyrano, correspond une latitude dans les attitudes. Ainsi les confidents des quatre caractères principaux (Joëlle Lüthi et Yan Richard) bougent leurs lèvres pour dire, en même temps et de façon mutique, les vers prononcés par leurs maîtres.

Au bout de cette renaissance intelligente du drame de Cyrano de Bergerac, les morts de Séjanus (Jordane Hess) et de Livilla (Rebecca Stella) ne décevront pas et seront l'occasion pour Séjanus de porter les paroles libertines de son auteur, celles d'un sans Dieu. C'est sans doute la première fois de l'histoire du théâtre qu'une telle profession de foi sera énoncée. Il faudra attendre un siècle et un Voltaire pour la réentendre...

Et cela montre toute la force du texte de Cyrano,toute sa modernité libertaire qu'un bon serviteur de l'absolutisme comme Racine saura rendre pour longtemps inoffensive.

Adaptée subtilement par Daniel Mesguich sous le titre "La Mort (d')Agrippine" la partition reprend enfin sa juste place, forcément l'une des premières. On prédit, et c'est tant mieux, qu'elle sera désormais régulièrement jouée et revisitée. Un grand merci à Daniel Mesguich.

 

 

Philippe Person         
deco
Nouveau Actualités Voir aussi Contact
deco
decodeco
• A lire aussi sur Froggy's Delight :

Pas d'autres articles sur le même sujet


# 19 mars 2023 : Motion de culture

Tout fout le camp en ce moment. En attendant des jours meilleurs, accrochons nous et noyons notre chagrin dans la culture !Cc'est parti pour le sommaire de la semaine en commençant par le replay de la 63eme Mare Aux Grenouilles.

Du côté de la musique :

"Your mother should know, Brad Mehldau plays the Beatles" de Brad Mehldau
"Soul tropical" de David Walters
"Embers" de Embers
"Le courage" de Julie Rey et Adrien Desse
"Nuit blanche" de Anodine
"Désequilibre" de Bilbao Kung Fu
"Elements" de Foehn
"La Sagrada" de Natalia Doco
"Red cloud" de Red Cloud
"Isla" de Simon Moullier
et toujours :
"Sound of Eymet" de Adrien Chicot
"O futuro é mais bonito" de Anna Setton
"Vertigo" de Bipolar Club
"W.A. Mozart : The prussian quartets" de Chiaroscuro Quartet
"Principia" de En Attendant Ana
"Charivari" de Marcel
"111" de One Shot
"A very big lunh" de Papanosh
"Brothers & Sisters" de Steve Mason
"Screamers" de Treponem Pal

Au théâtre :

les nouveautés de la semaine :
"Dans la solitude des champs de coton" à l'Espace Cardin
"House" au Théâtre de la Colline
"Oeuvrer son cri" au Théâtre de la Cité Internationale
"Le silence et la peur" au Théâtre de la Colline
"Tom na Fazenda" au Théâtre Paris-Villette
"Petites histoires de la démesure" au Théâtre Les Déchargeurs
"Apocalipsync" au Théâtre du Rond- Point
"Weber à vif" à La Scala
"HPNS" au Théâtre La Reine Blanche
"Marée haute" au Théâtre Le Lucernaire
"Rémi Larrousse - Confidences d'un illusionniste" au Théâtre Le Lucernaire
"Opération Kortex" à La Folie Théâtre
"Patricia Lelouebec - Sauver le monde" au Théâtre Les Déchargeurs
"La Langue des Cygnes au Théâtre 71 à Malakoff
les reprises :
"Nagasaki" au 100ECS
"Maupassant, Octave et moi" au Théâtre de Poche-Montparnasse
"Maya, une voix" au Lavoir Moderne Parisien
"Al Atlal, chant pour ma mère" au Théâtre 14
et une sélection des autres spectacles à l'affiche

Expositions :

"Giovanni Bellini - Influences croisées" au Musée Jacquemart-André
dernière ligne droite pour :
"Capitales" à l'Hôtel de Ville de Paris
"Yves Klein intime" à l'Hôtel de Caumont
et les autres expositions à l'affiche

Lecture avec :

"Les nageurs de la nuit" de Tomasz Jedrowski
"Les grands ministres de Habsbourg" de Jean Paul Bled
"Le petit roi" de Mathieu Belezi
"Il ne doit jamais rien m'arriver" de Mathieu Persan
et toujours :
"Un paradis en enfer" de Rebecca Soinit
Rencontre avec Taous Merakchi & Da Coffee Time
"Coven" de Taous Merakchi & Da Coffee Time
"Les autres gens ne sont pas des gens comme nous" de J.M. Erre
"Le passager" de Cormac McCarthy
"La guerre sainte de Poutine" de Sébastien Boussois & Noé Morin

Et toute la semaine des émissions en direct et en replay sur notre chaine TWITCH

Bonne lecture, bonne culture, et à la semaine prochaine.

           
twitch.com/froggysdelight | www.tasteofindie.com   bleu rouge vert métal
 
© froggy's delight 2008
Recherche Avancée Fermer la fenêtre
Rechercher
par mots clés :
Titres  Chroniques
  0 résultat(s) trouvé(s)

Album=Concert=Interview=Oldies but Goodies= Livre=Dossier=Spectacle=Film=