Le peintre Paul Sérusier, admirateur de Gauguin rencontré à Pont Aven, produit en 1888 le tableau "le Talisman" qui constitue l'acte fondateur du Club des cinq des Nabis fondé avec Pierre Bonnard, Maurice Denis, Henri-Gabriel Ibels et Paul-Élie Ranson, rejoints ensuite notamment par Armand Seguin, Édouard Vuillard, Ker-Xavier Roussel et Félix Vallotton.
Une des préoccupations de ces artistes tient au renouvellement de l’esthétique de la peinture décorative dans le sillage anglo-saxon du rapprochement des Beaux Arts et des arts décoratifs pour laquelle le Musée du Luxembourg présente l'exposition dédiée "Les Nabis et le décor" organisée conjointement par la Réunion des Musées Nationaux-Grand Palais l'Etablissement public des Musées d'Orsay et de l'Orangerie.
Les deux intérêts majeurs de la monstration tiennent à sa thématique inédite en France et à la réussite des commissaires, Isabelle Cahn et Guy Cogeval, respectivement conservatrice générale des peintures au Musée d'Orsay et directeur du Centre d'études des Nabis et du symbolisme, pour la réunion des panneaux disséminés de grands ensembles emblématiques. La décor Nabi ou la belle vie
Le dénominateur commun des Nabis, dont chacun garde sa singularité artistique, réside en l'affiliation au synthétisme prôné par Gauguin et Emile Bernard, caractérisé par la rupture avec l'espace illusionniste, et donc les pratiques analystes et impressionnistes, et l'adoption de procédés picturaux novateurs tenant notamment à la simplification des formes et l'utilisation de la vertu expressive des couleurs pures posées en aplats qui empruntent, en un temps de vogue du japonisme, à la singularité des images du "monde flottant" avec la perspective sans profondeur et la souplesse des lignes. Ce qui se traduit dans le registre décoratif par une peinture figurative avec des scènes de genre déployées en fresque de format vertical à l'instar du kakémono qui, toutefois, ne constituent pas une simple image même si Maurice Denis affirme qu'"un tableau est d'abord essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées". Car pour eux l'art est investi d'une finalité, voire d'une mission, spirituelle ou philosophique qui les rapproche du symbolisme. Et ce du profane ou sacrée, du "moyen de communication entre les âmes" pour Paul Sérusier à la conception de la peinture comme art essentiellement religieux et chrétien de Maurice Denis. Quant aux thèmes, les Nabis héritent de ceux traités par les impressionnistes. Ainsi, celui de la femme avec la belle série de quatre panneaux en volets de paravent des "Femmes au jardin de Pierre Bonnard ("Femme à la robe à pois blanc", "Femme assise au chat", "Femme à la pélerine" et "Femme à la robe quadrillé") qui ouvre le parcours.
Si ces femmes conservent une certaine épaisseur charnelle, celles désincarnées de "L'éternel Eté" de Maurice Denis figurant sur les études préparatoires réunies en paravent qui étaient destinées à un salon de musique se réfèrent à des créatures célestes.
Autre thème impressionniste omniprésent, la nature.
Il est décliné en version parc public par Eugène Vuillard, lieu de promenade dans lequel s'ébattent les enfants et papotent les nourrices, qu'il traite en panoramique avec une harmonique de beige, vert et bleu animé par quelques pointes de rouge, avec des compositions autonomes mais reliées par le sol et le ciel.
Quant à Pierre Bonnard, il préfère le jardin en camaïeu verdoyant avec la série bucolique de la cueillette des pommes qui immerge le spectateur dans la plénitude et la quiétude d'une journée d'été.
Ces ensembles destinés à des intérieurs bourgeois en retrace le caractère aisé et feutré, voire calfeutré, que Pierre Bonnard retrace avec ses "Personnages dans un intérieur", cerné par la frise du plafond et le tapis dans une gamme de coloris sourds avec une inflation de motifs floraux, inspiré du motif médiéval des "mille fleurs" et dans lequel est immergée la femme dans ses activités d'agrément.
Et quand le Nabi se penche sur la condition plébéienne, il l'idéalise tel Paul Ranson avec son ensemble consacré aux travaux des champs attribués aux femmes.
La monstration s'achève sur les sept panneaux monumentaux réalisés par Maurice Denis, peintre chrétien surnommé le "Nabi aux belles icônes", sur le thème de la chasse à courre imposé par son commanditaire dans laquelle il parvient à introduire, outre une métaphore de la quête spirituelle, une ode à la vision et à la conversion du mérovingien Hubert devenu le saint patron des chasseurs.
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