Réalisé par Wolfgang Fischer. Allemagne/Autriche. Drame. 1h34 (Sortie le 27 mars 2019). Avec Susanne Wolff, Gedion Oduor Wekesa, Alexander Beyer, Inga Birkenfeld et Anika Menger.
En vibrant aux aventures tragiques de Rike dans "Styx" de Wolfgang Fischer, on sera une fois de plus convaincu que le cinéma est l'art le mieux placé pour parler du présent, de l'actuel.
En l'occurrence, pour aborder la question récurrente des migrants traversant les mers dans des conditions effroyables. Rike, urgentiste allemande, la quarantaine naissante, aime les voyages en solitaire à bord de son voilier, l'"Asa Gray". Elle a prévu de partir de Gibraltar, pour atteindre en pleine Atlantique, une île proche de Sainte-Hélène. Mais les choses ne se passent pas comme prévu...
A la suite d'une tempête, elle se retrouve tout près d'un cargo à la dérive rempli de plusieurs centaines de migrants. Dès lors, Rike est prise entre deux feux : soit répondre aux "help" insistants des désespérés, soit assurer sa sécurité et celle de son voilier qui ne pourra pas accueillir tous les malheureux sans couler à son tour.
En s'approchant, elle suscite d'ailleurs un faux espoir : quelques migrants tentent de rejoindre l'"Asa Gray" et périssent avant de l'atteindre, à l'exception d'un jeune garçon.
Le film est alors une espèce de huis clos en pleine mer, un suspense très fort et très éprouvant. Pour sauver le jeune garçon, Rike doit d'abord le hisser sur son embarcation, le réchauffer, lui prodiguer les premiers soins... Ces opérations vont l'occuper un bon moment et l'on va partager un à un tous les efforts qu'elle doit consentir pour parvenir à le sauver.
Un troisième protagoniste va constamment intervenir pour "raisonner" Rike : la radio. Elle a prévenu les autorités espagnoles ou anglaises, et celles-ci s'empressent de lui demander de... ne rien faire. Ce sera aussi le cas d'un cargo qui se rapprochait d'elle et qui appartient à une compagnie qui "ne prend pas de migrants à la dérive".
Dans la longue liste des films qui traitent du même sujet, "Styx" de Wolfgang Fischer tranche nettement parce qu'il a trouvé le biais pour que le spectateur se sente concerné.
Devant le courage et la détermination de l'urgentiste allemande, chacun, même le plus rétif à l'accueil des migrants, comprendra ses dilemmes, appréciera son esprit d'à-propos et reconnaîtra que face au réel il n'y a plus d'absolu et qu'il faut simplement agir. Le couple qu'elle forme avec le petit rescapé est aussi très fort et pas gnangnan.
Sans doute le petit ado africain, qu'elle a soigné et qui était quelques minutes avant aux portes de la mort, est sur pied bien vite pour lui porter la contradiction, mais on pardonnera bien vite au scénariste cette petite incohérence.
Car "Styx" de Wolfgang Fischer est une leçon d'humanité. Certes, la période où Madame Angela Merkel a bien voulu accueillir pléthore de migrants a été courte et elle est aujourd'hui révolue. Il en reste forcément quelque chose et ce film, dont le titre évoque le final très cru, en porte les traces.
On pourra aussi s'amuser de la scène, où Rike, devant se faire obéir du jeune garçon qui a tenté de ramener l'"Asa Gray" à la portée du cargo en détresse, se met soudain à l'engueuler en allemand alors qu'elle lui parlait jusque-là doucement en anglais.
Reste que "Styx" de Wolfgang Fischer est à la fois un film qui parle au cœur et qui donne à voir du spectacle. Que demander de plus, sinon répéter le vœu pieux selon lequel plus un seul de ces hommes et de ces femmes qui embarquent sur des rafiots de fortune ne doit périr en mer. On en est loin. |