Spectacle conçu par Falk Richter, mise en scène de Stanislas Nordey et Falk Richter, avec Judith Henry, Dea Liane, Stanislas Nordey, Laurent Sauvage et Vincent Timmerman.
"Je suis Fassbinder" constitue le premier spectacle de création programmé par Stanislas Nordey lors de sa prise de fonction de directeur du Théâtre National de Strasbourg en 2014.
Signé par son compagnon de route théâtrale, le dramaturge allemand Falk Richter qu'il a inscrit au rang des artistes associés dudit théâtre, il résulte d'une réflexion collective menée sous obédience fassbindérienne par un auteur, un comédien et metteur en scène (Stanislas Nordey) et de quatre acteurs (Laurent Sauvage et Judith Henry, tous deux également artistes associés, Thomas Gonzalez et Eloise Mignon dont les partitions sont reprises par Vincent Timmermann et Dea Liane) sur l'Europe, la situation contemporaine en Allemagne et en France et la mission du théâtre, et de l'artiste, celle de "regarder le monde".
En effet, l'entreprise vise à porter "un regard sur le monde" à l'instar de la pratique du cinéaste et auteur dramatique allemand Rainer Werner Fassbinder, chantre marxiste de l'agit-prop des années 70 prématurément disparu en 1982, considéré comme un chroniqueur radical de l'Allemagne.
Son titre s'inspire du slogan d'adhésion "Je suis Charlie" qui a émergé suite à l'attentat contre l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo venu pendant sa gestation, et dont l'antienne "Je suis" est reprise dans une suite anaphorique sur les exactions commises par la Vieille Europe proférée par Judith Henry, procédé réitéré de manière chrorale avec les "J'ai peur" qui stigmatise les peurs ataviques comme source de tous les dérives et "Pourquoi ?" qui les recensent.
Se déroulant dans un décor de loft vintage conçu par Katrin Hoffmann faisant office tant de salle de répétition et de cabaret que de plateau de tournage, et selon les fondamentaux des deux metteurs en scène quant au théâtre du réel, l'hybridation du politique et du poétique et la frontalité, le spectacle se compose d'un montage de monologues dans lesquelles excellent la sensibilité de Judith Henry et le souffle de Laurent Sauvage, de suites anaphoriques ("J'ai peur", "Pourquoi ?"), de mise en abîme sur le travail en collectif, d'extraits de films de Fassbinder et de scènes de films de Fassbinder "revisitées" laissées à la sagacité des cinéphiles.
Bien qu'il soit chaotique, ainsi est-il qualifié par Stanislas Nordey d'"objet ouvert, qui pense, joyeusement, et qui se déploie dans un heureux délire", il s'en dégage troix axes.
D'une part, il dresse le panorama des sujets sociétaux qui agitent les tribunes du début de 3ème millénaire tels le terrorisme, la montée du nationalisme, l'individualisme, l'identité nationale, la violence faite aux femmes, l’homophobie, la xénophobie et la crise migratoire.
D'autre part, il rappelle l'analyse du monde de Rainer Werner Fassbinder à travers le prisme marxiste du rapport d'exploitation économique dans le régime capitalisme libéral auquel correspond dans le domaine relationnel celui de nature fasciste, de pouvoir et de domination dont seule la transgression peut permettre de se libérer. Enfin, il comporte un manifeste sur la mission de l'artiste, et de l'acteur entendu comme un créateur, qui ne doit pas se contenter de jouer "Les Trois soeurs" ou les pièces de Yasmina Reza, mais porter un regard sur le monde qui nourrit l'éloquente diatribe conclusive délivrée par Stanislas Nordey. |