"A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles" Voyelles, Arthur Rimbaud
Orouni, c’est un peu la synthèse d’une pop ambitieuse, où émotion rime avec intelligence musicale, où complexité rime avec évidence, où sincérité rime avec humanité.
Ce quatrième album ne fait que confirmer tout le bien que nous pensions de sa musique. Parce qu’ils ne sont pas nombreux à manier ce genre d’écriture élégante et audacieuse qui donne autant envie de rêver, de s’attarder sur l’écriture, de faire de l’air guitare que de chantonner sous la douche. Il y a ce sens de la mélodie et le reste qui se construit tout autour avec une certaine subtilité. Pas de la pop de tout venant, plutôt exactement l’inverse. Des petits mondes, habités par quelques grand-britons (Kinks, Beatles, Belle & Sebastian, Robert Wyatt) dansant parfois sur des rythmes d’ailleurs. Des petits mondes qui paraissent beaucoup plus simples et beaucoup moins fragiles que ce qu’ils ne sont vraiment. Des chansons mélodiques et accessibles mais qui rompent avec les schémas établis.
Rémi Antoni, compositeur et chanteur a décidé dans ce disque de jouer avec les codes de la composition, en travaillant autrement les lignes mélodiques et harmoniques, les structures. Il joue également avec les instrumentations, les dynamiques, les lignes de fuite : les inversant, les modulant, les décalant, les séparant. Le processus est le même avec les paroles où la séparation est souvent au centre des enjeux. Pas un bouleversement majeur, rien de bêtement complexe mais assez pour rajouter du sel à de belles mélodies. On trouve donc plusieurs niveaux de lecture, plusieurs niveaux d’écoute. Mais quel que soit ce niveau le plaisir est toujours le même. Comment ne pas succomber à des titres comme "The Lives Of Elevators", "Former Lorry Driver", "No features", "Henriette Pivots", "Son Of Mistery", "Aloysius"...
Rémi Antoni est un peintre des couleurs musicales. Ce n’est pas qu’une image. Parce qu’il a le même phénomène neurologique, appelé synesthésie, qu’Olivier Messiaen, il perçoit des couleurs en fonction des notes ou des accords.
Si derrière Orouni se cache Rémi Antoni, derrière Orouni se cache également une histoire humaine, une histoire d’amitié, de rencontres de musiciens, comme une famille avec Guillaume Jaoul, Antoine Kerninon, Steffen Charron, Emma Broughton, Raphaël Thyss, Sofia Bolt, Nicolas Worms... Simplement du pur bonheur...