Réalisé par Christophe Pellet. France. Drame. 1h22 (Sortie le 24 avril 2019). Avec Pierre Emö, Yuming Hey et Sergi Daniel Ramirez.
On sait que le dramaturge Christophe Pellet aime le cinéma à qui il rend souvent hommage ("Loin de Corpus Christi", "Eric Von Stroheim"). On sait moins qu'il a été élève de la FEMIS et qu'il a déjà tourné plusieurs courts métrages.
Avec "Aujourd'hui, rien", il passe au long-métrage. Un court long-métrage de 70 minutes, mais si riche et si libre qu'on le croirait plus long. Plus qu'un essai filmique, c'est un poème, un hymne à la vie, que Christophe Pellet adresse à son spectateur.
Marqué visiblement par le cinéma de Chantal Akerman, il en a l'exigence et l'ironie. Collage plein de malice et de grâce, "Aujourd'hui, rien" contient des "scènes de sexe explicites" qui lui valent une interdiction aux mineurs de moins de seize ans. Pourtant, ici, rien de sale ou de trivial dans les actes, mais une exaltation de la beauté masculine. Christophe Pellet aime les garçons comme il filme les chats : parce qu'il aime leurs yeux, leurs mouvements imprévisibles, le hasard qui le fait les saisir au lit comme il saisit sur un mur un chat acrobate.
Dans "Aujourd'hui, rien" de Christophe Pellet, on aura donc des chats, des garçons, des intérieurs d'appartement sublimement lumineux et vides, de la musique... et des textes magnifiques extraits des journaux de Cesar Pavese et de Jean-Luc Lagarce. Deux héros morts tragiquement mais éternellement présents de leur écriture qui irradie, représentée dans le film par des intertitres sur des cartons eux aussi d'une blancheur étincelante ou insérée directement sur l'image.
Christophe Pellet n'a pas failli : son choix des textes est imparable. Quintessence de l'Italien fatigué de la vie et du Français frappé par la fatalité d'une maladie qui fit de lui un mort annoncé, les mots posés sur l'écran résonnent immédiatement dans les cœurs. C'est tout simplement beau, touchant. Surtout en correspondance avec le quotidien de Christophe Pellet à la poursuite de l'amour, de la lumière ou d'un chat espiègle.
Et puis, bonus absolu : la voix de Léo Ferré qui s'élève pour chanter Pavese... Verrà la morte e avrà i tuoi occhi....
"Aujourd'hui, rien" de Christophe Pellet mérite mieux que des commentaires. Il faut voir ce vrai film, absolument pas minimaliste, qui exalte la vie et la littérature, le commun et l'extraordinaire et qui n'a rien d'intellectuel ni de maniéré. Pellet est un sensitif qui possède un vrai sens de l'humour, un vrai sens de l'amour et qui observe, tel un chat débonnaire, un monde qu'il façonne à l'aune de ses envies.
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