Drame de Saverio La Ruina, mise en scène de Luna Muratti, avec Emmanuelle Ramu et Alexis Gilot.
Écrite en 2006, la pièce de Saverio La Ruina, "Déshonorée" décrit une situation à la fois ancestrale et moderne, qui frappe toute les femmes dans les civilisations enfermées dans la ruralité et la religiosité.
Des femmes toujours vouées au noir, au voile ou au fichu même à l'époque des smartphones. Des femmes abusées par l'amour des jeunes gens beaux parleurs e leur village et qui sont, à mesure que leur ventre s'arrondit, de plus en plus coupables et sans excuses.
On se souvient d'Angèle de Marcel Pagnol et de Jean Giono, voire aussi de certains films "irlandais" de John Ford. C'est en Calabre que se déroule l'action de "Déshonorée". Elle pourrait aussi bien avoir lieu aujourd'hui au Pakistan ou en Inde.
Le texte est aussi simplement écrit que ses personnages sont démunis. Pasqualina raconte sa jeunesse, cinquante ans en arrière,à la fin des années 1960, à l'époque où le Sud de l'Italie était toujours misérable et pas encore transformée par la politique agricole commune.
Sans que cela soit trop gênant, Luna Muratti recourt d'emblée à la vidéo pour décrire ce beau pays caillouteux qui s'échauffe sous un soleil propice au si mal nommé "crime d'honneur". Elle y reviendra quelquefois pour ponctuer le récit de Pasqualina, un récit sans beaucoup de mots mais qui gagnera peu à peu en émotion.
Sans jamais chercher à être "dure", comme sont montrées souvent les femmes de Calabre, Emmanuelle Ramu prend les traits de Pasqualina. Instinctive, sans calcul, soumise à la loi de sa famille, elle voit arriver l'adolescence sans bien en comprendre les enjeux.
Elle sera ainsi victime consentante d'un jeune homme qui disparaîtra quand il saura que l'enfant va paraître et c'est en toute innocence, sans avoir même pensé que la vie qu'elle allait donner pouvait la conduire à la mort, qu'elle laissera l'un de ses proches allumer l'allumette...
Car c'est en brûlant vive que sa famille voulait résoudre son problème de grossesse... C'est avec encore la même innocence qu'elle décrira son calvaire après son supplice raté.
Théâtre documenté sans être totalement didactique, "Déshonorée" vaut par cette écriture sans apprêts mais qui laisse à la femme martyre sa voix et sa parole de jeune fille éternelle qu'elle transmet à son fils unique, qui lui la compile précieusement, en en lisant des extraits sur un cahier. La présence d'Alexis Gilot désamorce l'horreur parce que sa seule existence est la preuve véritable de la victoire de Pasqualina.
"Déshonorée", mis en scène avec peu d'artifices par Luna Muratti et jouée avec une formidable énergie par Emmanuelle Ramu, témoigne avec une grande justesse d'un passé pas forcément révolu. |