Hubert-Felix Thiéfaine serait-il en train, après presque 30 ans d'une carrière sans faille, d'être remarqué par les médias ? C'est en tout cas ce que l'on peut se dire en le voyant apparaître à la télévision plus souvent que d'habitude (l'un de ses derniers passages concernait son album de 1993, Fragments d'hébétude).
Quitterait-il son statut d'artiste maudit pour entrer dans la lumière du showbiz, comme tiré par les jeunes pousses de la chanson français que peuvent être Cali, Mickey 3D ou encore JP Nataf ? C'est une bonne nouvelle qui risque cependant de peiner certains fans. Comment obtenir des places à ses concerts déjà toujours complets s'il devient médiatiquement en vogue ? Comment se proclamer de l'immense groupe de fans de Thiéfaine qui le suivent depuis des dizaines d'années s'il se met à passer à la radio ?
Bref comme dans tout autre passage de l'ombre à la lumière, les fans égoîstes seront déçus mais des milliers de mélomanes risquent de découvrir l'oeuvre très riche d'un artiste unique. C'est déjà pas si mal ! L'album qui réalise donc l'exploit de faire apparaître le grand monsieur dans les médias s'appelle Scandale mélancolique. S'il contient toujours les textes déchirés et surréalistes qui font le charme du personnage, il se démarque des précédentes productions par de nombreuses collaborations et une musique s'éloignant du classique rock qui lui collait un peu trop à la peau.
Passons directement à la perle de l'album, "Gynecees", splendide duo avec Cali qui parvient à mêler derrière leurs deux voix l'univers poétique de Thiéfaine et la musique entraînante de Cali. Idem pour la "Confession d'un never been" où JP Nataf place un support musical idéal à une chanson dans le plus pur style noir et imagé du chanteur pour un grand moment de l'album ("Ça sent la vieille guenille et l'épicier cafard/dans ce chagrin des glandes qu'on appelle l'amour/où les noirs funambules du vieux cirque barbare/se pissent dans le froc en riant de leurs tours").
La diversité des compositeurs permet même de ravissantes surprises comme "Last exit to paradise" où l'on imaginerait presque une VV de The Kills s'acoquiner avec le franc-comtois ou encore "Télégramme 2003" lorsque les guitares d'Elista se mêlent à une jolie ballade. Michael Furlon lui écrit la musique des "Jardins Sauvages" et Boris Bergman prend même sa plume pour laisser Hubert-Felix chanter pour la première fois un texte offert sur "That angry man on the pier" à la fin de l'opus.
Evidemment certaines chansons sont de trop comme "Le jeu de la folie" et ses insupportables choeurs mais l'ensemble se tient très bien et si l'on peut parfois regretter les portraits de dingues et de paumés qu'il nous offrait il y a bien longtemps, on se réjouit que Thiéfaine soit toujours là, avec sa folie, ses textes uniques et qu'il soit désormais adulé par une nouvelle génération d'artistes et un public toujours fidèle depuis trois décennies.
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