Laurent : Vus cet hiver au Paris Popfest, les Caennais de Beach Youth ne m'avaient pas vraiment convaincu. Chez eux, sur la grande scène de Beauregard, leur son a plus d'ampleur qu'au Hasard Ludique quelques mois auparavant.
Cependant, et bien que le projet ait déjà 5 ans, leur pop surf à guitares me semble encore un peu verte. Vu le potentiel du groupe, on espère le voir gagner en maturité. La musique de Beach Youth permet néanmoins de débuter cette troisième journée du festival Beauregard à la cool.
Il y a parfois des artistes dont on ne sait pas quoi dire. Pour moi, Clara Luciani est à ranger dans cette catégorie. Je ne trouve pas ça mauvais, mais ça ne m'intéresse absolument pas. Le groupe derrière elle est solide, la scénographie est réussie, elle a une voix intéressante, et enfin sur scène elle dégage un mélange de courage et de douceur. Mais, à aucun moment, ni ses textes ni sa musique ne me touchent. Au moins, puis-je remarquer qu'entre elle et le public, elle parvient à créer un lien durant le concert.
David : Chemisier blanc, pantalon noir sur hauts talons, voix chaude et sensuelle Clara Luciani m'a convaincu sur scène autant que sur disque. J'avais peur de me retrouver en présence d’une artiste timide et distante. Il n’en a rien été. Son set était rythmé et il régnait une belle complicité avec ses musiciens. Programmée à un horaire délicat (16h), elle a su ouvrir la troisième journée avec brio.
Laurent : 5 minutes avant le concert de Idles, il n'y avait pas grand monde devant la scène, ce qui m'a permis de me placer devant. Les Britanniques énervés ont offert un concert foutraque comme ils en ont le secret. Joe Talbot, le chanteur, scande ses textes comme un Eddy Argos (Art Brut) en furie, pendant que Mark Bowen se jette plusieurs fois au milieu de la foule avec sa guitare.
Entre Brexit, petits boulots sous-payés et montée du nationalisme, Joe Talbot éructe sa rage et sa frustration d'être anglais aujourd'hui. Très vite, devant la scène, le public se lâche dans un énorme pogo qui fait s'envoler un énorme nuage de poussière. Sans aucun temps mort, Idles aura offert le concert le plus brutalement punk de l'édition, tout en restant drôles et intelligents.
David : Oui, il y avait de l’énergie, des musiciens possédés, un léger discours politique et surtout de la fureur. C'était parfois n’importe quoi, ça chantait par moment totalement faux, mais c’était bon. On était bien dans le punk (esprit et musique), avec des guitares rageuses, un chant encore plus hargneux en live et un guitariste qui se baladait dans la foule. Un grand moment du festival.
Laurent : Aller se placer devant Flavien Berger après Idles, la descente est hard. Néanmoins, un public jeune qui connaît les chansons est là pour lui, tout enamouré. Seul avec ses claviers, des projecteurs habillés de voiles argentées bougent autour de lui. J'aime beaucoup la synthpop lunaire de Flavien Berger, mais l'horaire de le servait pas franchement.
C'est ensuite au tour de Columbine. Le collectif rennais a beau avoir fait le Zénith à Paris, je n'en ai jamais entendu parler. Diffusés sur le Mouv', ils expliquent à quel point c'est vachement trop dur d'être un adolescent. En gros, c'est Kids United rappe pour ta petite sœur. Et quand on voit que le public fait un circle pit devant ce groupe, on se dit que les gamins ne respectent vraiment rien.
David : C'est ça. Des paroles sur la "dureté" de l’adolescence posées sur "une musique" d’une pauvreté abyssale. Il faut reconnaître que les ados étaient contents et les plus de 15 ans sceptiques face à ce "rap" variétoche.
Après Columbine, Roméo Elvis a quand même légèrement remonté le niveau (pas très difficile, d’ailleurs) mais on reste sur du hip-hop fade. Notre seule impression : le garçon a l’air gentil.
Laurent : Moi, j'ai croisé un spectateur, 24 ans, qui revenait du concert de Roméo Elvis. "C'est le plus beau concert que j'ai jamais vu". Comment réagir devant cet aveu ? Lui demander : "tu as vécu dans un placard jusqu'à hier ?"
David : Je n’avais pas écouté Ben Harper depuis 15 ans. Il est toujours accompagné des Innocent Criminals et notamment de son excellent bassiste. Le concert était d’une intensité inégale. On avait parfois l’impression que Ben ne s’était pas rendu compte qu’un public était présent. J'ai toutefois passé un moment agréable en attendant ses anciens titres.
Laurent : Pas beaucoup de surprises pour le concert de Ben Harper and The Innocent Criminals. Le soul folkeux gratte sa guitare. C'est bien fait, c'est professionnel, c'est gentil, c'est même parfois généreux, mais ça n'éveille absolument rien en moi. Le public, par contre, est présent, nombreux et répond avec beaucoup de chaleur aux chansons du Californien.
David : Au concert de Mac DeMarco, tout le monde paraissait un peu largué, tant les musiciens que le public. Le bassiste ne jouait même pas et semblait se demander ce qu’il faisait là. J'ai vite lâché ce spectacle indie-folk chiant.
Laurent : Je n'ai jamais compris l'enthousiasme autour de Mac DeMarco. Je suis néanmoins resté écouter deux ou trois chansons. Le concert m'a eu l'air gentiment foutraque. L'attitude je-m'en-foutiste du Canadien n'évolue pas avec les années. Il a l'air de se battre un peu le steak de sa prestation, mais j'avoue que moi aussi. Direction la grande scène pour The Hives.
Connaissant le groupe, dont on sait qu'il va livrer son show habituel et faire le spectacle, je me place près des barrières afin de réaliser quelques photos. Devant, si j'ai apprécié l'énergie du concert, je ne peux pas dire que j'ai beaucoup profité de la musique. J'ai juste cru mourir écrasé.
David : The Hives ont livré comme d’habitude un show rock’n’roll énergique. Complets blancs et nœuds papillons, les suédois avaient leur classe vestimentaire habituelle. Le frontman, Per Almqvist, reste un vrai showman. Il haranguait la foule et jouait avec le public, en français, à coup de "mesdames et messieurs". Les morceaux comme "Hate to Say I Told You So" ou encore "Tick Tick Boom" ont été repris en cœur par le public. On est vraiment tous ressortis de ce show heureux dopé d’une belle énergie. Il s’agissait incontestablement du meilleur concert du festival.
Laurent : Ce fut un plaisir de retrouver Mogwai. Si avec le temps ils se sont assagis, leurs leurs concerts regorgent toujours de très beaux moments. Celui de Beauregard ne fait pas exception à la règle. Je me suis laissé porté au son des nappes de guitares à la limite de la saturation.
David : Pour ma part, j'ai trouvé que leur prestation était assez mal adaptée pour un mode festival. J'ai donc préféré quitter le site à ce moment-là, rassasié après le concert de The Hives.
Laurent : Pour clôturer ce troisième jour, ce sont les Berlinois de Modeselektor qui se présentent sur la grande scène. Basses martiales et éructations dignes d'un groupe d'EBM, hormis pour le volume c'est totalement l'antithèse de Mogwai que nous venons de quitter, mais une bonne invitation à danser au milieu du site qui s'est quand même bien vidé.
|