Jour 3 : Le baptême de la poussière
Un peu moins motivée, ce dimanche, sans doute en raison de la fatigue, de l'oppressante poussière et de la chaleur plombante qui s'abat sur l'aérodrome de Guéret, on peine à trouver un intérêt scénique dans le set des new-yorkais de Bodega, pourtant adulés par une certaine critique musicale. C'est bien dommage dans la mesure où, sur le papier, la philosophie du groupe atteste de valeurs fortes, engagées et originales. Leur post-punk teintée d’électro se laisse écouter, mais les mimiques et déhanchements surjoués de Nikki Belfiglio agacent vite. Définitivement pas le jour...
Altin Gün est un mélange audacieux entre musique folk et sonorités turques. Il va sans dire que la touche orientale de cette programmation fait mouche, laissant tranquillement le festivalier rêver à d'autres horizons, les yeux fermés face au soleil déjà couchant. Un set planant et plaisant, à la musique ingénieuse et atypique. Belle découverte.
Autre groupe, autres mœurs : Deerhunter, c'est avant tout un style, une posture et une réputation. Bradley Cox crève l'écran, littéralement et dans tous les sens, tour à tour détaché, investi, rêveur, ironique, selon les morceaux égrenés. L'état d'esprit de ce set est tellement à la cool, que Bradley Cox discutera, de scène à scène, avec le sondier de Oh Sees en train de faire quelques essais certes un peu bruyants, qu'il y aura un faux départ sur un titre ("Got damn it !"), et qu'on retrouvera Bradley Cox tranquillement assis dans le pit avec nous, les photographes, pour écouter le concert suivant, celui de Oh Sees, justement. Une belle démonstration de ce que la musique peut avoir de brillant sans être étouffée par l'esprit de sérieux.
Pour être honnête, ma journée commencera vraiment, musicalement et scéniquement, avec les Oh Sees. Parce que John Dwyer est une bête de scène, certes, mais aussi parce que les batteries gémellaires, en "front stage", c'est exceptionnel et ça envoie loin, très loin. Dan Rincon et Paul Quattrone sont hyper calés et ça rend tellement bien qu'on ne sait plus où donner de la tête et du pied.
Le concept de La Colonie de vacances est orgasmique en soi. Quatre groupes, et non des moindres (Papier Tigre, Electric Electric, Pneu et Marvin), en regard ; le public au milieu qui assiste à ces questions-réponses musicales et lumineuses avec ébahissement. Impossible de faire des photos tant la configuration de ce sound system quadriphonique empêche d'immortaliser quoi que ce soit. Il faut dire que les festivaliers sont agglutinés autour des groupes, tournent comme des papillons hallucinés, parfois pour la deuxième fois de suite – puisque la Colonie de vacances a joué également la veille. L'expérience est unique – paradoxalement à chaque fois.
On manquera sans doute d'originalité en disant qu'on a adhéré sans hésitation au set de Balthazar. Un concert dévoré de bout en bout, sublimé par les cinq voix des Belges qui en chœur et en refrain sont à pleurer de cohésion et d'émotions. Mes félicitations sincères vont au "lighteux" tant les lumières sont prodigieuses et magnifient le concert. Tout est tubes, jusqu'au bouquet final, "Fever", tout droit issu du dernier album éponyme. Exceptionnel.
Mon clap de fin fera face aux talentueux The Blaze, seul groupe électro que je me suis accordée du week-end. Si la règle veut que l'électro soit peu intéressante à photographier, The Blaze figure alors l'exception tant Guillaume et Jonathan Alric travaille autant la musique que l'image. Une boîte gigantesque, de la transparence, une allumette flamboyante et le tour est joué pour intriguer dès les premières minutes. Le son fait le reste et l'on tombe, sans résistance, dans une sorte de douce hypnose qui referme élégamment ce premier Check-In Party.Â
On pensait assister à un hésitant premier baptême de l'air, le Check-In Party a sans ciller passé le mur du son. Jetons, pour finir, des mercis ici ou là , à Patrice, Nadine, Lorraine et Lucien, qui ont été des interlocuteurs parfaits sur ces trois jours. Reste à savoir désormais si le bilan comptable sera favorable à un deuxième embarquement...
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