Lecture par Stéphane Freiss d'extraits du roman éponyme de Romain Gary.
C'est en lecteur décontracté que Stéphane Freiss entre en scène. Avant de commencer sa lecture du roman autobiographique de Romain Gary, il s'adresse au public, un dossier noir à la main. On apprendra donc que ce comédien, qu'on a vu plus d'une fois sur une scène parisienne, est pour la première fois de sa carrière... seul sur scène. Il y a donc en lui un sentiment particulier qui explique sans doute pourquoi il n'a pas, comme on s'y attendait, tout de suite pris la direction d'un des deux fauteuils de velours rouge, type salles de cinéma d'avant les multiplexes, et s'est directement plongé dans l'oeuvre de Gary. Pour le rassurer pleinement, il aura besoin d'un autre viatique : son chien... qui se précipite sur lui alors qu'il vient enfin de s'asseoir et lui fait une vraie fête. Une fois cela fait, il se couche à ses pieds et sera l'un des plus attentifs écoutants de son maître... dont la voix n'est pas que mélodieuse pour les canidés. Car, il est incontestable que Stéphane Freiss sait lire, ou plutôt sait faire semblant de lire. Les feuilles qu'il a tirées de son dossier noir et sur lesquelles reposent les extraits qu'il a choisi d'interpréter de "La Promesse de l'aube", il va simplement s'en servir comme garde-fou pour les premières représentations. Nul doute qu'il n'aura bientôt plus guère besoin de ces anti-sèches. Et ce sera encore mieux puisqu'on n'aura pas l'impression (fausse) d'un spectacle hybride entre lecture et interprétation. Si l'on connaît le roman de Gary, qui conte ses années de jeunesse avec comme élément central sa relation presque fusionnelle avec une mère qui constitue sa seule famille, on pourra dire que ce qu'en lit Stéphane Freiss n'est pas le plus spectaculaire, qu'il évite d'en faire une mère trop exubérante et trop excessive. Mais les extraits choisis suffisent à bien comprendre leur relation et a dessiné un Romain Gary plus tendre et moins cynique que celui qui se transformera en Emile Ajar pour justement retrouver un peu de tendresse. Quand il écrit "La Promesse de l'aube", il est au zénith de sa vie : écrivain reconnu et adapté à Hollywood, consul à Los Angeles, amoureux d'une jeune femme belle et célèbre... C'est donc un quadragénaire apaisé qui a réussi son existence au-delà de ses espérances d'enfant pauvre qui reconstitue cette enfance bohème, une enfance sans père mais compensée par une mère à qui est venue le temps de rendre hommage... Elle qui a disparu presque vingt ans avant qu'il ne lui redonne vie. Stéphane Freiss fait passer toute l'émotion du livre. Il ne cherche pas à composer Gary en train d'écrire ou de relire son texte. Il sait mettre la distance nécessaire pour qu'on écoute bien cet hymne à une mère hors du commun et qui a permis à son fils d'avoir le destin extraordinaire dont elle rêvait pour lui. |