Monologue dramatique de Lars Norén interprété par Cédric Welsch dans une mise en scène de Laurent Fresnais. Dans "Förgänglighet" mot correspondant au concept et caractère de l'impermanence, le dramaturge suédois Lars Noren décline le thème de la tuerie en milieu scolaire.
Et plus précisément, celui du multiple homicide suicidaire, événement sporadique qui, devenu récurrent au Canada et aux Etats Unis depuis les années 1959, connaît une inquiétante multiplication depuis la fusillade de Columbine en 1999 et a traversé l'Atlantique.
Le titre français - "Le 20 novembre" - au demeurant beaucoup moins signifiant, renvoie à la date à laquelle, en 2006 en Allemagne, le jeune Sebastien Bosse ouvrait le feu sur les élèves et les professeurs de son ancien collège en laissant de nombreux documents destinés à laisser une trace visible à tous de son acte.
Lars Noren a conçu un monologue rageur qui n'utilise pas les procédés dramatiques logiquement attendus, ceux du récit, de la confession ou du soliloque, mais celui de l'adresse au public avec la prise à partie de l'auditoire comme représentant la masse sociétale dans son ensemble au nom de la théorie de l'universalité de la culpabilité qui se traduit par l'expression "tous coupables !" que brandit comme une bannière le personnage s'érigeant en ange exterminateur alors même qu'il excipe d'une vengeance personnelle.
Et l'intérêt de la partition ne tient pas tant à la recension et au brassage des éléments d'analyse clinique, idéation paranoïde, victimation scolaire, blessure narcissique, tendance suicidaire, sentiment d'exclusion, révolte contre la société, "aquabonisme" face à la finitude humaine, néant spirituel et autres qui peuvent expliquer la perturbation des relations interpersonnelles qui se dégage d'un premier niveau de lecture mais ce qui prend forme au fil de cette pensée délirante.
D'une part, sa paradoxalité notamment en se déclarant mortifié et humilié par l'ostracisation subie tout en clamant sa haine de l'humanité, la vision nihiliste du "rien à perdre" et se déclarant anarchiste, et, d'autre part, la culpabilité dont le personnage essaie de s'affranchir en cherchant une justification à son acte, ce que le droit pénal définit comme une excuse absolutoire, et qui tiendrait au fait que le coupable est la société.
A la mise en scène, Laurent Fresnais a opté pour un dispositif de proximité radicale consistant en un jeu en adresse quasi interactive avec le public telle une prise en otage in situ.
Ce qui s'avère en cohérence avec la structure de la partition qui, par ailleurs, résultant d'une commande d'une comédienne de la troupe de la Schaubühne de Berlin, constitue un monologue pour acteur et un exercice de comédien que Cédric Welsch, tout en tension maîtrisée, délivre et assène avec talent et sagacité. |