En 2019, il y a ce drôle de mot qui pourrait résumer la situation de Da Silva. Apatride. Apatride dans un paysage musical du 21ème siècle où l’homme se sent forcément trop à l’étroit. Da Silva se moque des frontières. Les étiquettes, les castes et les classes le répugnent même s’il est évident qu’il appartient à une lignée qui irait de Charles Aznavour à Daniel Darc.
Depuis son apparition sur le devant de la scène en 2004, Da Silva a souvent emprunté des directions qui l’ont souvent emmené là où personne ne l’attendait. Entre deux albums studio, les succès et les tournées, il a écrit pour les enfants et mis son talent de compositeur, auteur et producteur au service d’autres artistes. Il a aussi assouvi ses autres passions pour la photographie et le théâtre.
Il semble donc bien loin le temps des premiers tâtonnements, des premiers pas, des premiers enregistrements. Il semble loin le temps de l’adolescence à Nevers pour ce rennais d’adoption qui ne prend jamais rien pour acquis. Qui, plus que certains, accepte de se remettre en question. De se mettre en danger. De tout balayer d’un revers de main pour tout recommencer.
Il en a été ainsi à l’heure d’imaginer ce septième album, son premier pour le label At(h)ome. Da Silva a fait table rase de son passé récent. Pour ce disque qu’il a un instant pensé enregistrer à Cuba, il a choisi comme fil conducteur de ne pas en avoir. Une seule idée en tête, renouer avec ces premiers vertiges, en essayant d’être le moins professionnel possible, en redevenant un débutant "qui fait un peu n’importe quoi" mais "qui le fait bien" dit-il.
Et au final, ce qu’il nous propose est très bien, grâce à une écriture décomplexée, grâce à une certaine négligence qui mène parfois à l’excellence et grâce à une superbe pochette en guise d’hommage à la bande originale de Five Days From Home signée Bill Conti.
Au revoir chagrin décline dix superbes titres aux personnalités bien trempées. Da Silva nous propose des chansons qui flirtent avec la pop ("S’agapo"), d’autres qui touchent le reggae ("Le garçon") mais aussi la valse ("Rien"), certaines prennent un accent brésilien ("Loin") ou mariachi ("A l’endroit de la douleur"). Une fois écouté en entier, on comprend mieux le titre de l’album, Au revoir Chagrin. Ses autres albums souvent mélancoliques laissent ici place à un album beaucoup plus lumineux. Il le justifie dans le titre "Au revoir chagrin", nous avouant "qu’il est moins malheureux qu’avant" en nous précisant dans "Trois fois rien" "qu’il ne fera plus d’efforts", qu’il faut le prendre comme il est.
Il faut bien avouer que ce nouvel univers lui sied à merveille, tout en conservant le même esthétisme que sur les albums précédents. Da Silva confirme qu’il est un immense artiste, un magnifique auteur-compositeur, pas reconnu à sa juste valeur à mes yeux.
Da Silva nous propose des chansons où l’on croit apercevoir les silhouettes de Tom Waits, Jean-Louis Murat et Brigitte Fontaine, des titres où l’on croise Sylvie Hoarau de Brigitte ou Hakkim Hamadouche, un proche du regretté Rachid Taha.
Epris comme jamais de cette liberté qui lui colle à la peau comme les tatouages qu’il collectionne, entouré d’une garde rapprochée (Nicolas Fiszman à la basse, aux guitares et coréalisateur du disque, Denis Benarosh à la batterie, Reyn Ouwehand aux claviers et Olivier Bodson aux cuivres), Da Silva a pris ses responsabilités pour imaginer un album exotique et métissé, une invitation à un voyage musical et mélodique "loin du monde" tel qu’on le connaît aujourd’hui. Un voyage pour lequel on se contentera de prendre un aller simple.
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