Spectacle de théâtre musical conçu par Guillaume Sorel, mise en scène de Juliette Baucher, avec Apolline Andreys, Guillaume Sorel et Benoît Dupont (en alternance Simon Froget-Legendre).
Dans la vie d'André Raimbourg, dit Bourvil, une seule femme a compté : Jeanne Lefrique. Avec "Dans les yeux de Jeanne", Guillaume Sorel a eu l'idée de conter cette belle histoire d'amour en quelques tableaux tous à la gloire d'un des monstres sacrés du cinéma français.
Tout débute en 1936 quand le tout jeune André pas encore Bourvil rencontre Jeanne. Il faudra sept ans pour qu'elle devienne sa femme au moment où le fantaisiste normand commence réellement une carrière plus que prometteuse qui va faire de lui un chanteur populaire, alternant les chansons et les opérettes, et bientôt une grande vedette de l'écran.
Dans ce court biopic" dans lequel Jeanne et André poussent constamment la chansonnette, on apprendra pas mal de choses sur les débuts de celui qui, en hommage à son maître Fernandel, s'est d'abord appelé "Andrel". On découvrira un jeune homme tourmenté et rebelle, ayant refusé de devenir instituteur et qui ne se voyait pas en "salarié" mais plutôt en artiste, tout en ignorant sous quelle forme il pourrait obtenir la consécration.
Bourvil, ici, est interprété par l'auteur de la pièce, Guillaume Sorel. Et, à première vue, physiquement, on l'imaginerait plus jouant Tintin que le grand comique. Pourtant, sans chercher un quelconque mimétisme avec son modèle, il réussit vite à convaincre qu'il est Bourvil, et cela d'abord en interprétant quelques-uns de ses "tubes", seul ou avec Apolline Andreys, qui montre toute la qualité de son registre dans une très belle version de "La Tendresse".
Une fois passées les années de vache enragée" et celles de ses premiers succès, Guillaume Sorel va se faire - et on le regrette un peu - plus elliptique : évocation de "La Traversée de Paris", de la liaison supposée de Bourvil avec Pierrette Bruno, de sa maladie puis de sa mort.
Tout cela donnera l'occasion d'entendre quelques belles chansons du répertoire de Bourvil, et l'on sera légèrement triste qu'il n'y ait ni "Le petit bal perdu", seulement évoqué par quelques notes du pianiste (Benoît Dupont en alternance avec Simon Froget-Legendre) ni "Ma petite chanson". En compensation, on aura eu les incontournables "Ballade irlandaise" et "Salade de fruits".
Guillaume Sorel a conçu un spectacle positif avec un Bourvil puits de gentillesse, voire de bonté, ayant à sa côté son double en la personne de Jeanne. Cela n'implique en rien que le spectacle soit mièvre. Tout au contraire, Il décrit de beaux personnages et cela aurait été presque un sacrilège d'assombrir inutilement leurs portraits.
Les admirateurs de Bourvil sortiront comblés de ce joli moment à sa gloire. Les nouvelles générations, pour qui il n'est peut-être que le peintre en bâtiment de "La Grande Vadrouille", en sauront plus sur un immense artiste, populaire sans aucune démagogie,et seront conquis par cet être lumineux.
Attention ! Il ne faut pas rater le clin d'oeil final, quand Guillaume Sorel et Apolline Andreys expliquent ce que doit être "la tactique du public"... |