We were young when you left home
(Schole Records) novembre 2019
Il est allemand et tient encore par la main l’enfant qu’il fut dans la RDA des années 80. Deuxième album de l’artiste, We were young when you left home raconte la construction d’une enfance autour d’une déchirure, la séparation de ses parents : "Nous étions jeunes quand tu as quitté la maison".
Du piano vaporeux et des voix transmutées aspirent à envoûter l’auditeur dans une brume réconfortante. L’album pave l’écoute de longues mélopées solitaires, de ces vides intérieurs qui nous font hurler à la lune et couler de brûlantes larmes d’incompréhension. Mais pas seulement. Il y a aussi l’éclat inattendu des fragiles rayons qui percent les lourds cumuls d’une joie soudaine, de la lumière pour déchirer les mélancolies.
Organique, l’écoute est intimiste, les notes réveillent les drames enfantins et les terreurs de minuit dont la puissance nous paralysait à la tombée de la nuit. Mais Tim est là, il craque l’allumette de la bougie, repoussant les ténèbres aux confins du réconfortant cercle de lumière. La chaleur en plus.
Propice à la nostalgie, l’album a l’architecture grandiose des palais de souvenirs. Le pianiste de talent égrène les notes avec délicatesse, comme on retient son souffle pour ne pas briser la magie de l’instant invoqué, quand le même frisson revient soulever les vagues intérieures, le jour de mes 5 ans, le fou rire de mes sœurs, les crayons, les gâteaux, l’odeur de la voiture, et cette couverture à carreaux qui pique…
Il a des promesses dans les notes et des soupirs dans la voix, du courage dans la tempête et des arrêts introspectifs, de volutes à volupté, en toute délicatesse, des genoux niqués et des émerveillements… Tim Linghaus est le temps qui passe, We were young when you left home est un magnifique tableau où s’enchevêtrent le passé et le présent, ce que nous fûmes et ce que nous sommes encore, ce que nous croyons avoir oublié et ce qui reviendra toujours. Il dessine les contours d’un futur des possibles où tous les espoirs sont permis, sans exception.
Bon, c’est bien beau tout ça, mais je vais devoir vérifier qu’il n’y a rien sous mon lit maintenant. Avec une de ces fichues madeleines de Proust. Avec du miel. Plein.
# 14 avril 2024 : En avril, de la culture tu suivras le fil
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