Monologue dramatique d'après la nouvelle éponyme de Herman Melville interprété par Jean-Luc Giorno dans une mise en scène de Yves-Patrick Grima.
Yves-Patrick Grima, à la mise en scène, et Jean-Luc Giorno, au jeu, proposent une excellente adaptation théâtrale de la nouvelle "Bartleby" de Herman Melville, figure de la littérature américaine du 19ème siècle, qui a suscité de nombreuses gloses quant à la portée philosophico-socio-économique de "l’immobile errance du scribe" et de sa fameuse antienne sous forme d'affirmation négative.
Dans leur note d'intention, Yves-Patrick Grima et Jean- Luc Giorno se rangent à l'interprétation afférente "au contre-pouvoir et à la résistance passive" face à la servitude moderne imposée par le capitalisme ainsi qu'au thème de l'intolérance en résonance contemporaine avec l'augmentation du nombre de personnes en situation d'exclusion sociale et l'ampleur des flux migratoires.
Toutefois, ils ne se laissent pas distraire de la nature et de la structure du récit original qui est dispensé dans une mise en scène sobre, quelques simples éléments de décor pour signifier l'étude du notaire-narrateur qui se trouve confronté au comportement singulier et inhabituel d'un nouvel employé.
A toute demande, de manière récurrente et avec une fréquence croissante, de manière incompréhensible au plan rationnel, le copiste Bartleby, homme inconsistant et transparent en état de disparition autodestructrice, oppose un refus non frontal mais en usant de l'expression "je préfère ne pas" qui interloque et désempare son employeur. Jean-Luc Giorno campe donc le narrateur relativement bonhomme et humaniste de cette édifiante fable qu'il délivre avec l'art émérite du conteur et l'éloquence sensible du comédien aguerri qui capte et ferre l'attention de l'auditoire subjugué.
Et non seulement il transcende la partition dans laquelle il rend tangible et poignant le désespoir contenu dans la seule phrase prononcée par Bartleby mais y apporte crédiblement une dimension fantastique quand pour le relateur, après maintes exaspérations et dans l'incapacité de trouver une réponse rationnelle à une situation qui défie son entendement, la figure de celui-ci devient obsessionnelle.
Magistral.
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