Tragédie de Racine, mise en scène de Brigitte Jaques-Wajeman, avec Pascal Bekkar, Pauline Bolcato, Raphaèle Bouchard, Sophie Daull, Lucie Digout, Kenza Lagnaoui, Raphaël Naasz, et Bertrand Pazos.
Reconnue spécialiste de Corneille, Brigitte Jaques-Wajeman s'attaque avec "Phèdre" à son rival, Racine.
Dans la très belle scénographie épurée de Grégoire Faucheux, imposant un décor unique et majestueux sous la forme d'une belle structure de bois occupant une grande partie de la scène, et qui se teintera parfois des belles lumières de Nicolas Faucheux, va se sceller l'ultime aventure d'un des plus grands héros grecs, Thésée.
Ce qui se joue ici et que restitue parfaitement Brigitte Jaques-Wajeman, c'est la fin de l'ère héroïque, celle où les hommes et les Dieux entretenaient des relations sinon incestueuses du moins dangereuses.
Se croyant veuve de Thésée (Bertrand Pazos), Phèdre (Raphaèle Bouchard) va révéler sa passion au fils de celui-ci, Hippolyte (Raphaël Naasz) qui lui aime Aricie (Pauline Bolcatto). Mais le retour imprévu du roi va provoquer mort et désolation.
S'appuyant sur des acteurs maîtrisant presque à la perfection l'alexandrin, Brigitte Jaques-Wajeman propose une vision presque littérale de la tragédie de Racine. Pas d'arrière-pensées, ni de sous-textes, la reine est tout désir, le roi toute fureur et c'est de leurs réactions primaires, pas vraiment calculées, que naît le drame et découle l'irrémédiable.
Présentant Phèdre comme incapable de maîtriser son désir, elle en fait la victime de ce désir et des mauvais conseils d'Oenone (Sophie Daull). Parallèlement, Hippolyte n'est que le jouet de cette passion et malgré les avertissements de Théramène (Pascal Bekkar) ne comprend pas le danger qui le guette.
Quand Thésée revient, il n'est que colère et aveuglement et est incapable de faire la part des choses. Il n'est plus maître de son destin. Fini le temps où il défiait les monstres et les dominait, le voilà victime du monstre qui est en lui...
En suivant le cours de la tragédie, on est presque étonné de sa limpidité, de sa trivialité, voire de sa fatalité décevante. Phèdre ronge son frein depuis longtemps. Si elle avait su le ronger un peu plus longtemps, le roi serait revenu avant qu'elle ne tombe dans les bras d'Hippolyte et ils auraient coulé de longs jours heureux.
Les amateurs de Racine ne seront donc pas forcément séduits par le travail de Brigitte Jaques-Wajeman qui transforme "Phèdre" en une œuvre sans subtilité et surtout livré au déterminisme d'un scénario très linéaire. Les autres trouveront sa résolution lumineuse et logique. |