Réalisé par Barbet Schroeder. Grande Bretagne/Etats Unis/Japon. Drame/Policier. 1h50 (1ère sortie le 9 janvier 1991 - Sortie version restaurée 4 mars 2020). Avec Glenn Close, Jeremy Irons, Ron Silver, Annabella Sciorra, Uta Hagen, Fisher Stevens, Jack Gilpin et Christine Baranski.
Trente ans après sa sortie, "Le Mystère Von Bulow" de Barbet Schroeder n'a rien perdu de ses qualités qui lui valurent de nombreuses distinctions à sa sortie, à commencer par l'oscar de la meilleure interprétation masculine pour Jérémy Irons.
C'était aussi la confirmation pour Barbet Schroeder, également nominé à l'oscar dans la catégorie meilleur réalisateur, qu'il pouvait mener une vraie carrière américaine.
Le réalisateur de "La Vallée" et de "More", le fondateur des Films du losange qui fut le producteur des films d'Eric Rohmer, est sans doute l'un des metteurs en scène français les plus sous-estimés. Outre une grande carrière dans la fiction en France, des documentaires majeurs, comme celui sur Idi Amin Dada (1974) ou Jacques Vergès ("L'avocat de la terreur", 2007), Barbet a été à la hauteur du grand cinéma américain de qualité.
En revoyant ce film de "procès", on est surpris de s'apercevoir que le personnage principal n'est pas Jeremy Irons mais Ron Silver, qui interprète le rôle d'Alan Dershowitz, auteur du livre adapté par Barbet Schroeder..
Cet avocat idéaliste accepte de défendre le multi-millionnaire Von Bulow, typique de sa caste et par ailleurs suintant un antisémitisme inconscient, lui aussi marque de fabrique d'une certaine élite WASP, uniquement pour pouvoir alimenter la défense de deux frères afro-américains dans le couloir de la mort bien qu'innocents.
Contrairement à nombre des réalisateurs américains, Barbet Schroeder sait ce que veut dire "lutte des classes" et son film somptueusement décoré, étale le train de vie inimaginable des ultra-riches comme les Von Bulow. Il les montre aussi comme des oisifs surmédicalisés, s'ennuyant au point qu'ils rêvent de "travailler" et font d'une activité rémunérée la solution à tous leurs problèmes.
"Le Mystère von Bulow" de Barbet Schroeder est une charge ironique contre ces "pauvres très riches" dont la vie n'est pas si enviable que ça. Dès lors, c'est tout le système américain que le Français stigmatise avec ses cohortes d'avocats qui obtiennent des résultats pas forcément conformes à la vérité, tout ici n'étant qu'une question d'argent.
Même un avocat à tête de Groucho Marx, mu par des idées généreuses, peut être manipulé par ces nouveaux demi-dieux dont l'Olympe ressemble aux écuries d'Augias. En pénétrant pendant deux heures au cœur d'un des grands procès qui marqua l'Amérique avant celui d'O.J. Simpson, on n'est plus sûr de rien. La vérité paraît contingente, sujette au génie d'un avocat qui ne peut plus se dédire alors que ses convictions vacillent peu à peu.
"Le Mystère von Bulow" de Barbet Schroeder est désormais un classique, un film qui se regarde hors du temps avec un plaisir toujours renouvelé et qu'on peut confronter à tout ce que l'on a appris depuis sur le système judiciaire américain sans qu'il paraisse daté.
Irons est magnifique, presque autant que dans "Fatale" de Louis Malle où, là aussi, il prête son élégance à un personnage de démiurge ivre de sexe. On n'oubliera pas non plus Glenn Close, victime plongée dans un coma profond, tout en étant la "voix off" porteuse silencieuse de la "vérité vraie". |