Comédie dramatique de Moni Grégo d'après l'oeuvre éponyme de August Strindberg, mise en scène de Roxane Borgna, avec Jacques Descorde et Roxane Borgna.
"Melle Julie # Meurtre d'âme" de Moni Grégo se présente comme une variation pour deux voix, celles des deux principaux protagonistes en excluant le personnage-écran de la cuisinière, de la tragédie "Mademoiselle Julie" écrit en 1888 par le dramaturge suédois August Strindberg.
Demeure le huis clos délétère sur un tropisme strindbergien, la relation de couple pathogène, basée sur le principe psychologique du rapport de force qui régit toutes les relations interpersonnelles, avec sa guerre des sexes et des cerveaux sur fond de lutte des classes.
Pour sa première mise en scène, la comédienne Roxane Borgna s'empare avec acuité de cette partition dont elle livre une mise en scène inédite et percutante, notamment affranchie du puritanisme et du procédé de l'ellipse souvent attachés à la représentation de l'oeuvre originale, une mise en scène de nerfs, de cris, de larmes, de sperme et de sang pour, comme elle l'indique dans sa note d'intention, une histoire des corps.
Ainsi elle s'affranchit de la chronologie narrative et use d'une approche qui n'est pas que naturaliste mais, à l'instar de l'oeuvre de l'auteur, navigue entre symbolisme et expressionnisme propice au "voyage vers la nuit intérieure".
Et surtout, elle positionne le drame dans l'intime de la chambre, lieu privilégié de la scène conjugale et espace propice à la crise, en l'occurrence celle du personnage-titre, lieu de révélation et du meurtre psychique qui s'y accomplit, comme l'écrivait, à propos de Strindberg, le dramaturge Arthur Adamov pour ce lieu dans lequel les personnages "s?expliquent, s?humilient et se bafouent".
Par ailleurs, ne consistant pas en la posture du courant pluridisciplinaire mainstream, Roxane Borgna opte pour une fusion théâtre-vidéo particulièrement cohérente et esthétiquement réussie.
Il en résulte une scénographie immersive comprenant la projection kaléidoscopique d'oeuvres picturales d'Auguste Strindberg et de photographies en adéquation de Marie Rameau fusionnant par fondu-enchaîné avec l'incrustation de séquences pré-enregistrées et l'insertion de zooms filmés en direct par le vidéaste Laurent Rojol qui a apporté sa collaboration artistique ainsi que le compositeur Eric Guennou pour la création d'un univers sonore métamorphique.
La proposition réfléchie, pertinente et aboutie est portée par une dramaturgie du corps, soutenue par l'intervention du chorégraphe Mitia Fédotenko, qui fait la part belle au jeu des acteurs, en l'occurrence porté à son acmé et à son excellence avec Roxane Borgna, réussissant de surcroît le challenge de la simultanéité de la mise en scène et de l'interprétation, et Jacques Descordes qui dispensent une éblouissante performance pour cette confrontation torride des corps et implacable des esprits.. Indiscutablement passionnant. |