Christian Louboutin, créateur des chaussures à l'iconique semelle en cuir rouge, investit le Palais de la Porte Dorée pour une exposition aussi somptueuse que spectaculaire qu'il a voulu comme une célébration de trois décennies de création et une invitation à découvrir son univers artistique.
Intitulée "Christian Louboutin - L'Exhibition[niste]" , elle a été conçue sous sa direction artistique et le commissariat de Olivier Gabet, directeur du Musée des Arts Décoratifs, qui la présente comme "une immersion qui présente les multiples facettes d’une expression protéiforme".
Ainsi Christian Louboutin dévoile les inspirations, les références et ses goûts d'esthète érudit qui ont nourri un imaginaire fécond dans une (dé)monstration conséquente sur 1300 mètres carrés. Et, dans une scénographie somptueuse voire somptuaire assurée par Christian Louboutin et Oskar Bocquillon designer manager de la Maison Louboutin, elle se déploie en un voyage composé de dix escales chrono-thématiques scandant les arcanes de son processus créatif.
Christian Louboutin, Roi en son palais Les tropismes de Christian Louboutin, né en 1964, outre le goût de l'exotisme né dans son enfance en regardant les façades du Palais de la Porte Dorée à proximité du domicile familial, dont les fresques célébraient les expéditions coloniales, résultent d'ancrages temporels : l'héritage du Pop Art des seventies, le glamour paillettes des folles années Palace, le New Fetish de la mode du Porno chic de la dernière décennie du 20ème siècle et du "More is more" des subcultures qui marque le début du troisième millénaire.
Ce qu'il combine avec un imaginaire nourri par l'Histoire de l'Art, tant les Beaux Arts que les arts graphiques et décoratifs et les arts populaires et ethniques, l'Histoire de la Mode et particulièrement celle de la chaussure, le spectacle vivant, théâtre, cirque et revue, la littérature et le cinéma souvent révélée par le nom du modèle.
Et il opère par déclinaison à l'aune de sa forme de prédilection, le stiletto à talon vertigineux auguré par l'emblématique escarpin "Pigalle" dont l'impressionnant florilège de ses avatars est dispensé au sein d'un parcours articulé autour de pôles significatifs pour lesquels il a sollicité des artisans d'art oeuvrant tel des architectes d'intérieur dans un lieu dans lequel il insère une structure palatiale.
Ainsi, en premier lieu, pour évoquer sa genèse, la "Salle des Vitraux", telle une nef miniature qui regroupe les premiers modèles d'avant la fameuse semelle rouge, de ce rouge Pantone 18.1663TP devenu le signe distinctif de sa griffe,sur un podium central entourés d'un ensemble de vitraux réalisés par la Maison du Vitrail à partir de ses dessins célébrant ses créations fétiches comme autant de stations d'un chemin non de croix mais de réussite.
Un avant-goût de cathédrale annonçant la "Salle du Trésor" qui réunit les créations emblématiques de Christian Louboutin autour d'un monumental palanquin processionnel fabriqué par des orfèvres dinandiers de Séville et décoré de velours brodé par les ateliers du créateur indien Sabyasachi Mukherjee pour lequel Christian Louboutin avait dessiné les modèles de la sa collection Automne-Hiver 2015 et qui constitue un trône merveilleux pour l'idole contemporaine de la mode, le stiletto, façonné en cristal par l'artiste sculpteur Stéphane Gérard.
Les modèles les plus emblématiques figurent dans la salle du "Théâtre Bhoutanais" avec ses gigantesques colonnes de bois sculpté par les artisans ébénistes du Bouthan sur la scène duquel sont projetés des hologrammes originaux des performances de l’effeuilleuse new burlesque Dita Von Teese et du footballeur et freestyle guinéen Iya Traoré.
Christian Louboutin a également invité des artistes contemporains tels l’artiste pakistanais Imran Qureshi qui revisite la peinture miniature moghole et le duo anglais Whitaker/Malem, créateur de vêtements sculpturaux en cuir, qui a customisé des mannequins de vitrine fabriqués aux mensurations de l'actrice Arielle Dombasle en le recouvrant de cuir aux neufs couleurs de sa collection "Nudes" lancée en 2013.
Et avant d'arriver à l'"Enfer", salle plongée dans le noir, le visiteur est invité à fouler le tapis rouge dans un clinquant palais des glaces, le "Pop Corridor", inondé de lumière en compagnie des célébrités du show business et des personnalités VIP qui "adooorent" les Louboutins.
Placée sos sle signe du "Fétichisme", la galerie de photographies érotico-fantasmatiques résulte d'une collaboration entre le chausseur et le réalisateur américain David Lynch autour des modèles extravagants, et impropres à la marche, telles "La Lynch" et "La Ballerina Ultima", créés notamment pour une revue du cabaret le Crazy Horse qui sont sublimés par les corps - et les jambes - magnifiques de ses danseuses.
Des jambes suggestives à ne pas pas rater dans le vrai-faux salon vintage avec un papier peint imprimé d'un semis des photographies érotiques du peintre et photographe Pierre Molinier, notamment fétichiste des jambes, dont des photomontages participent au "Musée imaginaire" de Christian Louboutin dans une mise en résonance avec une des photos de la série des "Big Nudes" de Helmut Newton.
Un musée évoquant les anciens cabinets de curiosités avec leur éclectisme et leurs appariements, qui, du service à thé en porcelaine Wedgwood du 18ème siècle aux poupées amérindiennes, d'un soulier de l'actrice Mae West aux "Flowers" de Andy Warhol, et des céramiques turques à la "Madone voilée" de Pierre et Gilles, qui constitue un riche répertoire de formes, de matières et de motifs. Et la boucle est bouclée.
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