En dix ans et une poignée d'albums remarqués, les manceaux de Tue-Loup ont réussi à proposer une lecture et une transposition inspirée de ce que l'on appelle communément l'alternative country.
Déjà sur La Belle Inutile, nommé d'après le lieu dit perdu quelque part dans la Sarthe d'où le groupe tient ses racines, on s'était rendu compte que cette formation avait la tête encore plus à l'ouest, et rêvait en cachette des brumes de San Francisco et de l'American Music Club de Mark Eitzel.
Mais des compositions du groupe suintaient aussi le folk malade et bancal et majestueux de Will Oldham et de ses nombreux projets, Palace, Palace Brothers en tête. Le dernier effort du groupe Penya avait surpris par son attaque un peu plus jazzy.
Rachel au Rocher démarre bizarrement et prend complètement à contre-pied : "City Light" voit Tue-Loup se frotter au groove : basse chaloupée et grand renfort de choriste. "Corps de Bête" recentre rapidement le débat. Cette fois-ci Le Mans se retrouve relocalisé quelque part dans le Kentucky, près de Louisville.
D'ailleurs, un peu plus loin sur le "Ressac", on imagine bien Tue-Loup vider un godet avec Will Oldham pendant que ce dernier égrène quelques notes sur un piano lointain. Sur "Je m'aplatis", une batterie monolithique, en quasi apesanteur surplombe une guitare qui résonne sans fin dans l'espace... Le spectre duTalk Talk de Laughing Stock plane au loin.
L'introduction évanescente des "Encoches" confirme que Tue-Loup envisage sa musique en terme d'espace, de résonance. Mais il y a une latence palpable, quelques feed back viendront zébrer cette apparente quiétude...
Plus loin, le groupe se laisse aller à quelques dissonances bien senties, comme sur "Le Martin Pêcheur" ou encore "Pas D'Chant, Pas D'Krumar". Rachel au Rocher s'éteint sur le Magnifique "Je n'ai pas soupé" et son piano vacillant comme la flamme d'une bougie à l'agonie... Sans oublier les textes soignés, aussi aériens et évocateurs que la musique qui les accompagne.
Un groupe précieux dont on attend des nouvelles avec impatience... |