Le Musée Marmottan-Monet propose une exposition aussi inédite que passionnante consacrée au peintre français Paul Cézanne qui sollicite la sagacité du visiteur en ce que élaborée sur l'axiome de l'italianité.
En effet, sous le titre "Cézanne et les Maîtres - Rêve d'Italie" et l'égide de Alain Tapié, conservateur en chef, directeur honoraire des Musées de Caen et de Lille, qui en assure le commissariat avec Marianne Mathieu, historienne de l'art et directrice scientifique du Musée Marmottan-Monet, en propose la démonstration en une soixantaine d'oeuvres.
Celle-ci s'effectue par un appariement de toiles majeures de Cézanne mises en regard - et en résonance - avec des chefs-d’œuvre des maîtres italiens du 16ème au 19ème siècle et est complétée par celle de l’influence de Cézanne sur les peintres du Novecento italien.
La stratégie muséographique du Musée Marmottan-Monet, au demeurant appréciée compte tenu des taux de fréquenation enregistrés, repose sur la présentation d'expositions ,qui ne se limitent pas à des monstrations, notamment monographiques ou rétrospectives, mais soutenues par un propos scientifique.
Ainsi, en l'espèce, l'étude et la réflexion des commissaires, soutenues par les similitudes picturales révélées par la confrontation de ses œuvres de Paul Cézanne, le fondateur de la peinture moderne, avec la peinture classique plus précisément celle des Maîtres italiens. S'il n'a pas pas été formé à l'Ecole des Beaux-Arts qui initie à l'étude de la peinture classique et des Maîtres anciens, Cézanne a néanmoins pratiqué cet exercice par son inscription comme copiste au Musée du Louvre.
Et comme aucune oeuvre aussi grande et novatrice fut-elle n'émerge jamais sui generis, les commissaires ont pisté - et dépisté - l'italianité de Cézanne, avec notamment quatre mises en résonance assorties d'une médiation didactique, qu'ils déploient dans une scénographie au bi-chromatisme poudré de Anne Gratadour. Cézanne et l'italianité Poursuivi par un "rêve de peinture" et les fondements de la philosophie de l'art, Cézanne recherche des équivalents plastiques permettant de s'affranchir de la peinture dite illusionniste et du questionnement esthétique sur la beauté, le beau naturel et le beau artistique, afin de traduire ses émotions subjectives, et essentiellement "autobiographiques", traduisant sa vision du monde dans des oeuvres, quel qu'en soit le genre pictural, portrait, paysage ou nature morte, ressortant à un spiritualisme romantique proche de l'orphisme.
Ce qu'il cherche et trouve dans la peinture des trois écoles italiennes. Pour Venise, le ténèbrisme du Tintoret avec "La Déploration du Christ", "La descente de la Croix" et "La Cène" revisités à l'aune du profane avec "Le Meurtre", "La Femme étranglée" et "La Préparation du banquet" de Cézanne.
A Naples, avec le caravagisme de Ribera, le clair-obscur de Luca Giordano*, redécouvert grâce à la très belle et récente exposition du Petit Palais, avec son "Philosophe avec une gourde à la ceinture" en pendant du "Jardinier Vallier" et "La déposition du Christ" désacralisée dans "La Toilette funéraire", et l'expressivité du Greco**, lui aussi à l'affiche au Grand Palais en 2019-20 avec "Jésus au Jardin des Oliviers" avec la "Scène religieuse" du maître d'Aix
Enfin pour Rome, la sensualité de Nicolas Poussin sur le thème de la Pastorale du mythologique "Paysage avec Bacchus et Cérès" revisité en pastorale populaire "Pastorale" et, pour le paysage, le classicisme avec les "Rochers" et "Château-Noir" confrontés au "Paysage avec Agar et l’Ange".
Parallèlement, l'exposition entreprend de démontrer l'influence des sujets et de la manière cézaniens sur ses contemporains transalpins qui constituent le fleuron du Novecento .
Ainsi, sur le motif de la baigneuse, avec les "Baigneuses" de Giorgio Morandi et les "Baigneuses de dos" de Fausto Pirandello encadrant les "Cinq baigneurs" de Cézanne.
Dans le genre de la peinture de paysage, dialoguent les dernières oeuvres de Cézanne "Paysage en Provence", "La route tournante en haut du chemin des Lauves" et son chef-d’œuvre ultime, "Le Cabanon de Jourdan", avec celles datant des années 20 de Ottone Rosai ("Paysage") et Carlo Carrà ("Cabanes sur la plage"), et le "Paysage" de Giorgio Morandi peint en 1942.
Le dialogue Morandi/Cézanne se poursuit avec "Nature morte" et "Nature morte avec bouteille" encadrant "Nature morte, poires et pommes" qui clôt superbement le parcours et sollicite la réflexion du visiteur.
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