Comédie de Sabine Roy, mise en scène de Sophie Chevalier, avec Damien Boisseau, Mathilde Bernard, Jean-Sébastien Beauvais et Magali Albertini.
Il est des spectacles dont on est sûr de conserver éternellement le souvenir. Tel est le cas de "Folie Baroque" de Sabine Roy. On conseillera aux spectateurs qui le verront de ne pas perdre une miette de ses soixante dix minutes de bonheur au temps de Vivaldi.
Depuis le roman "Porporino ou les mystères de Naples" de Dominique Fernandez, et "Farinelli", la biographie filmée que Gérard Corbiau a consacré à ce célèbre castrat, on en sait davantage sur cette pratique consistant à châtrer de jeunes garçons afin de leur conserver leur voix d'avant la puberté.
Dans sa fantaisie autour de ce sujet qui pourrait être scabreux, Sabine Roy invente une jeune femme de très bon milieu, voire peut-être de petite noblesse, Claudine (Mathilde Bernard), qui revient de Venise et visite un ami proche, sans doute un prétendant qui tarde à se déclarer, Pierre de la Noue (Damien Boisseau).
Plus mutine que libertine, toujours souriante, cette farceuse et cette calculatrice de Claudine, qui a une idée derrière la tête, annonce à l'ami Pierre qu'elle a un cadeau original pour lui. Elle sait que le magistrat est un "fan" de Vivaldi et qu'il ne peut souffrir l'invasion de la Sérénissime par les "Napolitains", c'est-à-dire ces castrats que Vivaldi se refuse, lui, à utiliser...
Et pourtant, elle lui offre un présent bien particulier en la personne de Vivaldino (Jean-Sébastien Beauvais) accompagné de sa pianiste (Magali Albertini). Pierre refuse son cadeau : en 1739, en ces temps où les Lumières s'allument, un honnête homme, un lettré français ne peut cautionner une telle pratique ! Et puis, d'ailleurs, un magistrat ne joue-t-il pas sa place en s'en faisant le complice par cadeau interposé ?
Sans en avoir l'air, Sabine Roy qui connaît bien son sujet, met dans la bouche de Claudine et de Pierre, tous les deux excellents, l'essentiel des arguments pour ou contre la poursuite de la castration d'enfants à seule fin que les mélomanes puissent se délecter de voix si pure.
Mais que peuvent les mots contre le talent de Jean-Sébastien Beauvais, haute-contre, qui interprète Vivaldino ! En quelques airs, il convaincrait de plus obtus que l'ami de Claudine.
Parmi les spectateurs de "Folie Baroque", il y aura peut-être des amateurs qui viendront uniquement pour l'entendre interpréter de sa voix magnifique quatre ou cinq morceaux.
Même s'ils trouveront qu'il ne chante pas assez, ils seront convaincus par le bel écrin que lui ont bâti la dramaturge ainsi que Sophie Chevalier dont la mise en scène met en valeur autant la jolie badinerie amoureuse de Claudine et Pierre que les moments musicaux où le contre-ténor, sans avoir besoin d'avoir subi leur sort, retrouve tout l'art des castrats.
Quand s'achève astucieusement ce beau moment qui passe en un instant trop rapide, on aimerait qu'il soit bissé entièrement comme tous les airs que Jean-Sébastien Beauvais offre avec la générosité de son exceptionnel talent. |