Schubert, Sonates pour piano D.845 & D.850
(La Dolce Volta) mars 2020
"O Menschheit, o Leben ! -
Was soll’s ? o was soll’s ?!
Grabe aus - scharre zu !
Tag und Nacht keine Ruh ! -
Das Treiben, das Drängen -
Wohin ? - o wohin ?
"Ins Grab - tief hinab !" Totengräbers Heimweh, Jacob Nicolaus Craigher
Une fois n’est pas coutume, nous ne suivrons pas totalement la suite des morceaux de ce disque. Parce que la pertinence du propos et la subtile justesse du jeu de Philippe Cassard nous pousse à écouter à la suite la sonate pour piano n°16 D.845 et la n°17 D.850. Pourquoi ? Parce que composées en 1825 à quelques mois d’intervalle, ces deux sonates liées entre-elles montrent deux visages de Schubert, l’un sombre et tourmenté, l’autre apaisé et bucolique.
Les lieder sont au centre de l’œuvre de Schubert. La ligne vocale doit donc servir l’expression du pianiste. Dans la sonate D.845 terminée à la fin du printemps de 1825 alors que Schubert va quitter Vienne, la référence se situe avec le lied Totengräbers Heimweh ("Nostalgie du fossoyeur" sur une poésie de Jacob Nicolaus Craigher) composé au même moment que la sonate. "Abandonné de tous, la Mort pour seule parente, je m’arrête au bord de la tombe, la croix à la main, et je regarde, l’œil plein de désir, le fond du trou".
La sonate n°17 D.850 est d’un tout autre esprit rappelant le lied : Auf der Bruck sur un texte de Schulze : "Frisch trabe sonder ruh und rast, mein gutes ross, durch nacht und regen ! Was scheust du dich vor busch und ast, und strauchelst auf den wilden wegen ? Dehnt auch der Wald sich tief und dicht, Doch muss er endlich sich erschliessen, und freundlich wird ein fernes licht, uns aus dem dunkeln Tale grüssen". C’est, presque, un tout autre Schubert. Un Schubert pastoral qui se balade dans la Salzkammergut. Les paysages, les montagnes, les vallées, les lacs et les alpages, les sons des troupeaux, les chants et danses populaires, le yodel vont influencer sa musique.
L’interprétation de Philippe Cassard est absolument superbe. Il habite tout un monde intérieur. Il y a une détente qui donne une réelle souplesse aux phrasés, aux mélodies... Il marie élégance, subtilité, finesse, force et tendresse, légèreté.
Mais tout n’est pas blanc ou noir, sombre et lumineux. Si on est séduit par la palette de couleurs offerte par Philippe Cassard nous plongeant dans les atmosphères de chaque sonate avec gourmandise et intelligence, le pianiste parvient à réunir ses antagonismes portés par une tension continuelle pour construire une œuvre totale réunissant ces deux sonates.
Alors nous sauterons cette pause entre les deux sonates qu’auraient pu être ces trois valses et en profiterons comme une sorte de coda à ce superbe disque.
# 06 octobre 2024 : Sur un malentendu ca peut marcher
Beaucoup de choses à découvrir encore cette semaine en attendant la MAG#91 vendredi. Du théâtre, du cinéma, de la lecture et de la musique au programme, et toujours le replay de la MAG#90...Pensez aussi à nous suivre sur nos réseaux sociaux.