Si comme moi vous ne connaissiez pas Etgar Keret, son dernier ouvrage sera parfait pour y découvrir un écrivain de grand talent. Né en 1967 à Tel-Aviv, Etgar Keret compte parmi les écrivains les plus populaires d’Israël et ses œuvres sont traduites dans plus de quarante pays. Etgar Keret est l’auteur de plusieurs recueils de nouvelles, exercice dans lequel il excelle.
Son dernier ouvrage, Incident au fond de la galaxie, qui vient de paraître aux éditions de l’Olivier, a reçu les prix Sapir, le plus prestigieux prix littéraire en Israël. Il vient aussi de réaliser une mini-série télévisée, L’agent immobilier avec Mathieu Amalric, diffusée dernièrement sur ARTE, que vous avez peut-être vue.
Etgar Keret confirme avec ce livre qu’il est un écrivain unique dans le paysage littéraire contemporain en étant à la fois le disciple de Kafka mais aussi celui des grands humoristes juifs. Il aime par ses textes tutoyer la frontière du réel, dispose d’une imagination infinie et joue avec la réalité avec brio. Les 22 nouvelles qu’il nous propose dans son dernier ouvrage sont de véritables petites pépites qui régalent le lecteur, mélangeant univers décalé, sincérité et lucidité, le tout avec énormément d’humour.
Dans un cirque, un employé chargé de nettoyer les cages des animaux accepte d’être envoyé dans le ciel comme un boulet de canon. Le jeune pensionnaire d’un étrange orphelinat découvre qu’il est un clone d’Adolf Hitler créé pour venger les victimes de la Shoah. Un accidenté de la route perd la mémoire et se retrouve dans une pièce virtuelle avec une femme virtuelle, à moins que cela ne soit l’inverse. Un milliardaire en manque d’affection achète au prix fort les marques d’affection reçues par d’autres pour leur anniversaire.
Dans d’autres nouvelles, on découvre un institut qui accueille des enfants abandonnés par leurs parents qui souffrent d’un vieillissement accéléré. L’auteur nous raconte aussi l’histoire d’un homme qui conserve de son père décédé une mustang, trônant au milieu de son salon. Un père veuf se retrouve être le témoin d’un homme qui se suicide en se jetant du haut de son balcon avec son fils insistant pour y assister, pensant que l’homme est un super héros capable de voler. Dans une autre nouvelle, on voit un couple se déchirer lors de la visite du mémorial de la Shoah.
Quand chez certains les recueils de nouvelles s’avèrent être constitués de nouvelles inégales, on constate que ce n’est pas le cas pour celui d’Etgar Keret. Ici, le rythme des écrits ne laisse pas au lecteur le temps de s’ennuyer. Les nouvelles s’enchaînent mêlant humour noir, cocasserie, ironie et absurdité. Mais derrière tout cela se cache quand même une profonde réflexion sur le deuil, la solitude et les stigmates de l’histoire avec un grand H. Les personnages qui défilent dans l’ouvrage, terriblement attachants, ont tous des fêlures ou des blessures, visibles ou enfouies en eux. Ces personnages, qui devraient logiquement nous dévoiler ou nous raconter des histoires tristes nous font, sous la plume d’Etgar Keret, plutôt sourire.
Avec son dernier ouvrage, Incident au fond de la galaxie, le spécialiste de la micro fiction s’amuse des clowns et des clones, joue avec le virtuel et le fantastique tout en glissant entre ses nouvelles un échange de mails entre deux personnages, Michel Warshawski et Sefi Moreh, le premier proposant au second de venir avec sa mère visiter son escape room, escape room qui sera malheureusement fermée à la date de réservation puisque c’est le jour de la fête de la Shoah. Il nous offre au final un pétillant recueil de nouvelles qui nous fait passer un agréable moment de lecture. Vous pourrez retrouver cet ouvrage chez votre libraire préféré dès lundi. |