Réalisé par David Zonana. Mexique. Drame. 1h23 (Sortie 19 août 2020). Avec Luis Alberti, Horacio Celestino, Hugo Mendoza et Jonathan Sanchez.
Plus qu'un énième film de dénonciation de la condition prolétarienne en Amérique du Sud, "Mano de Obra", deuxième film du mexicain David Zonana, qui avait réussi un très bon premier film ("Les filles d'Avril"), est une fable particulièrement réussie.
Il y a quelques semaines, "Trois étés" de la Brésilienne Sandra Kogut, racontait comment les domestiques d'un milliardaire se retrouvaient seuls à gérer sa grande demeure quand celui-ci était rattrapé par un scandale financier et mise en examen.
Le film cachait la dimension "lutte des classes" et préférait dénoncer les turpitudes des puissants sur le ton de la comédie et faisait de leurs employés de maison les témoins pas dupes de leurs manèges.
Dans "Mano de Obra" de David Zonana, tout commence dramatiquement et brutalement par la chute mortelle d'un maçon qui construisait avec des compagnons une très belle résidence à un accapareur quelconque. Cet accident du travail, qui n'est pas reconnu comme tel, et met sur la paille sans la moindre indemnité la femme enceinte du défunt, révolte Francisco, le jeune héros du film et cousin de la victime.
Cette découverte des procédés scandaleux qui exonéraient de toute responsabilité toute la chaîne allant du contremaître au maître d'oeuvre jusqu'au propriétaire, le conduit avec ses amis ouvriers à investir la propriété qu'ils étaient en train d'installer et à y instaurer une espèce de communauté fondée sur la solidarité de tous.
Dans cette "Belle équipe" à la mexicaine, on va ainsi suivre étape par étape, les hauts et les bas de cette utopie "spontanée", pas du tout née de l'imaginaire d'un philosophe, mais de la colère de quelques jeunes hommes qui prouvent ici que leurs destins valaient mieux que misère et pauvreté.
David Zonana, par ailleurs scénariste, ne s'est pas contenté de raconter une histoire, il lui a donné la forme d'une parabole, dont on se doute très vite, hélas, qu'elle sera une fois de plus la démonstration désespérante que l'union ne fait pas forcément la force des pauvres, surtout quand les lois du pays sont dictées par les riches.
On aurait aimé que pour une fois, l'utopie imaginée par les ouvriers réussisse et s'achève au son de la musique des mariachis et en fiesta pleine de tacos.
Mais, malheureusement, les fables sont plus cruelles que les simples scénarios et celle écrite par David Zonana est particulièrement sombre. Quelque part, il a réussi au pays de Pancho Villa et d'Emiliano Zapata, la même démonstration que George Orwell dans "La Ferme des animaux".
Maîtrisé, jamais cynique, en froide colère contre l'éternelle victoire programmée des gros malins sur le petit peuple, "Mano de Obra" de David Zonana confirme qu'on est en présence d'un cinéaste de trente ans qui n'en restera pas là.
On soulignera son excellente direction d'acteurs. Avec en tête d'affiche, le remarquable Luis Alberti, entraînant dans son sillage des dizaines d'acteurs, qui ne font pas simplement de la figuration et ont tous quelque chose à jouer et à défendre.
Implacable et orignal, "Mano de Obra" de David Zonana mérite vraiment d'être supporté.
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