Cette année, l’une des révélations de la rentrée littéraire est à chercher du côté des Pays-Bas avec une auteure qui n’a pas encore trente ans, qui a grandi dans une famille protestante du Nord Brabant avant de partir pour Utrecht. Ce jeune prodige des lettres néerlandaises est surtout connu pour sa poésie, maintes fois récompensée. Qui sème le vent qui vient d’etre publié chez Buchet-Chastel est son premier roman, il a rencontré un certain succès et vient de recevoir l’international Booker prize.
L’ouvrage débute par les mots d’une narratrice âgée de dix ans, une petite Jas Mulder. Celle-ci vit en rase campagne aux Pays-Bas avec ses deux grands frères adorés, Matthies et Obbe, sa petite sœur Hanna et ses parents, des fermiers protestants extrêmement strictes et pieux.
Quelques jours avant Noël, Matthies part faire du patin sur le lac voisin quand sa sœur se voit injustement privée de sortie. Furieuse, la petite marmonne une funeste prière dans laquelle elle conjure le tout puissant de précipiter sa mort. Quelques instants plus tard, Matthies est emporté dans un tragique accident et ne revient plus. Pétrie de culpabilité, muselée comme le reste de sa famille par les préceptes d’une religion qui se refuse à tout épanchement et juge immorale l’évocation de la douleur et du deuil, la narratrice nous fait vivre la tragédie familiale de l’intérieur.
La première force de l’ouvrage vient que la narration est de l’enfant de dix ans et on ne peut qu’avouer que cela est particulièrement réussi car la lecture de l’ouvrage et le style d’écriture est particulièrement réaliste. On se surprend souvent à entendre les mots et les maux de cette jeune fille. C’est assez incroyable de voir comment dès les premières pages de l’ouvrage cette voix enfantine s’impose de façon aussi juste.
L’autre élément qui fait de cet ouvrage une lecture magistrale tient dans la fin saisissante, particulièrement secouante qui nous laisse sur les fesses. La fin est à la hauteur du reste de l’ouvrage.
Alors parlons un peu du reste de l’ouvrage sans trop en dévoiler car cela risquerait de gâcher le plaisir de lecture. Plaisir de lecture dis-je, ce qui me semble surprenant (mais vrai) car au final cette lecture n’est pas de tout repos. L’ambiance y est très souvent pesante, malaisante aussi parfois et aussi quelques fois assez glauque. L’ouvrage n’est pas là pour nous épargner et son histoire encore moins. Dire que l’ouvrage est proche du dérangeant parfois ne serait pas un mensonge. Mais en même temps, il nous propose une expérience de lecture à laquelle on n’est pas habitué. D’un autre côté, je pense que certains lecteurs pourront avoir du mal à aller au bout du livre, l’ouvrage pouvant s’avérer clivant, ce qui est souvent le cas avec les grands livres.
Alors voilà Qui sème le vent est pour moi un très grand livre qui nous propose le portrait sauvage et beau d’une enfance flétrie par le deuil. Porté par un texte poignant, la voix de la jeune fille s’avère être bouleversant de justesse, racontant la violence d’une enfant vécue dans un monde non-dits. |