Réalisé par Emmanuel Mouret. France. Comédie dramatique. 2h02 (Sortie 16 septembret 2020). Avec Camélia Jordana, Niels Schneider, Vincent Macaigne, Emile Dequenne, Jema Thiam, Guillaume Gouix, Louis-Do de Lencquesaing.
Il fut un temps où évoquer Emmanuel Mouret laissait un petit sourire condescendant au coin des lèvres. Ses films, pétris de bonnes intentions rohmériennes, paraissaient des copies du maître un peu niaises.
Mais le jeune cinéaste s'est acharné, a trouvé de film en film sa propre voie et son propos est devenu moins léger. On a découvert en lui un très bon directeur d'acteurs, une capacité rare à les distribuer à contre-emploi, à réunir des comédiens venant d'horizons très différents.
Avec "Mademoiselle des Joncquières" (2018), il a franchi un cap. Certes, si on peut préférer la version de Cocteau-Bresson des "Dames du bois de Boulogne", son travail est honorable et il a donné à Edouard Baer un de ses meilleurs rôles.
Placé sous le signe de la musique, omniprésente, plutôt classique et toujours savamment choisie en fonction des scènes, "Les Choses qu'on dit, les choses qu'on fait" est sans contestation possible le film le plus abouti d'Emmanuel Mouret.
Qu'on ne s'y trompe pas. S'il y a beaucoup d'acteurs de la génération montante à son générique, on n'est pas du tout du côté d'un "film chorale" comme il y en a tant. Si l'on osait une comparaison, on serait du côté de la "Ronde" de Max Ophüls. Chacun aimera celui ou celle qui succèdera à celui ou celle qu'il ou elle croyait aimer, avec qui il ou elle croyait faire ou rêver e faire sa vie.
Plus du tout rohmérien, plus du tout dans le marivaudage, "Les Choses qu'on dit, les choses qu'on fait" d' Emmanuel Mouret pratique l'art subtil du récit dans le récit, attrape son spectateur en lui racontant constamment des histoires par personnages interposés. Comme dans les romans d'apprentissage, dans certains films de Pascal Thomas ou de Luis Bunuel, chacun raconte son histoire. Pas de pathos, pas de portes qui claquent, mais des petites tranches de vie pleines de bienveillance et jamais trop cruelles.
En têtes d'affiche faussement timides et diablement déterminées, Nils Schneider et Camélia Jordana mènent la danse. La jeune chanteuse forme un couple, qui sur le papier, semble improbable avec Vincent Macaigne. Celui-ci, tout en retenue, pour une fois le cheveu bien coupé et bien peigné, réussit à rendre émouvant un personnage pas très macaignien.
Mention spéciale à Emilie Dequenne dans un très beau rôle secondaire, et même à Louis-Do de Lencquesaing qui pleure à une projection des "Onze Fioretti" de Roberto Rossellini.
Dans "Les Choses qu'on dit, les choses qu'on fait" d'Emmanuel Mouret, on parle de sentiments sans avoir besoin d'élever la voix.
Le cinéaste est dans la douceur, tel Vincent Macaigne amoureux de Camélia Jordana et répétant presque ad libitum son prénom, "Daphné, Daphné..." |