Nous continuons donc notre exploration de la rentrée littéraire aux éditions Gallmeister, après avoir pris une grosse claque avec le titre Betty, paru en août, aux côtés de deux auteurs qui nous offrent de excellents ouvrages, l’un est un premier roman écrit par un certain Andy Davidson et l’autre est un ouvrage d’un auteur que les lecteurs des éditions Gallmeister connaissent très bien, Benjamin Whitmer.
Commençons par le premier roman d’Andy Robinson, Dans la vallée du soleil, un ouvrage duquel se dégage une atmosphère assez particulière qui tient le lecteur tout le long du livre. Relativement manichéen, l’ouvrage dévoile une dimension horrifique assez surprenante, d’autant plus que le cadre de l’histoire se passe dans les contrées arides du Texas.
Travis Stillwell sillonne les routes brûlantes du Texas, piégeant des femmes solitaires dans l’espoir toujours déçu d’apaiser les démons de son passé. Un soir, il croise dans un bar une fille mystérieuse au teint pâle. Le lendemain, il se réveille seul et couvert de sang.
Dès lors, cette inconnue aux bottes rouges revient errer à ses côtés, et son emprise dévorante s’affirme sans pitié. Epuisé, Travis se fait héberger par une jeune veuve, Annabelle Gaskin. En échange, il l’aide à remettre d’aplomb son motel décrépi, et peu à peu, il prend de l’importance dans sa vie et celle de son fils. Mais Travis lutte contre des pulsions noires puissantes, et Annabelle finit par se douter que cet étrange cow-boy n’est pas ce qu’il prétend.
La grande qualité de cet ouvrage tient autour de plusieurs points selon moi. Tout d’abord, il y a cette ambiance si particulière qui mêle des passages horrifiques, des brins d’épouvante, beaucoup de psychologie et un suspense qui tient parfaitement la route. Ensuite, il y a la manière dont est construit le récit qui est aussi particulièrement convaincante. Le récit est à des années lumières d’être un long fleuve tranquille, il est particulièrement mouvementé avec des instants violents et sanguinolents. Et en même temps, l’auteur ne manque pas de dévoiler aussi des moments plus tendres, parfois touchants qui ne peuvent pas laisser insensibles les lecteurs.
Belle pioche, donc, une de plus pour les éditions Gallmeister, avec cet Andy Davidson qui intègre parfaitement le catalogue de littérature nord-américaine de cette maison d’édition. Ce premier roman dévoile un auteur en devenir qui devrait faire parler de lui. C’est tout le mal qu’on lui souhaite après avoir lu son ouvrage.
Un nouvel ouvrage de Benjamin Whitmer est toujours le gage d’une agréable lecture à venir. Benjamin Whitmer est aujourd’hui considéré comme l’un des auteurs américains les plus talentueux de sa génération. Ses romans noirs sont des petites pépites pour les adeptes du genre.
Avec Les dynamiteurs, l’auteur nous propose de nouveau un très bel ouvrage nous racontant la fin brutale d’une enfance dynamitée par la corruption du monde des adultes. Toujours aussi noir, l’ouvrage ne manque néanmoins pas de tendresse pour les laissés-pour-compte de la société.
1895. Le vice règne en maître à Denver, minée par la pauvreté et la violence. Sam et Cora, deux jeunes orphelins, s’occupent d’une bande d’enfants abandonnés et défendent farouchement leur "foyer" – une usine désaffectée – face aux clochards des alentours. Lors d’une de leurs attaques, un colosse défiguré apporte une aide inespérée aux enfants, au prix de graves blessures que Cora soigne de son mieux.
Muet, l’homme-monstre ne communique que par des mots griffonnés sur un carnet. Sam, le seul qui sache lire, se rapproche de lui et se trouve ainsi embarqué dans le monde licencieux des bas-fonds. Expéditions punitives, lynchages et explosions précipitent l’adolescent dans l’univers honni des adultes, qui le fascine et le repousse à la fois. Au point de modifier sa nature profonde, et de l’éloigner insidieusement de Cora.
Avec Sam, un adolescent comme narrateur, l’auteur nous présente la ville de Denver à la fin du 19ème siècle dans ce qu’elle avait de plus noir, organisée autour d’une ségrégation sociale qui repousse les plus pauvres en périphérie de la ville, à proximité d’usines abandonnées, utilisées comme refuge par des jeunes orphelins comme Sam et Cora. Denver est aussi à l’époque un lieu d’affrontements entre bandes rivales de miséreux mais aussi entre des gangs et la police.
Dire que l’ouvrage de Benjamin Whitmer est d’une rare violence est un euphémisme, l’auteur nous ayant déjà habitués à nous proposer des ouvrages où règne la violence. Ici celle-ci s’accompagne néanmoins d’une bonne dose d’amour, de beaucoup de tensions qui donne du coup un autre éclairage. L’adolescent qu’est Sam pénètre peu à peu le monde des adultes, laissant derrière lui son innocence enfantine, s’exposant à la violence en même qu’il expose ces amis à celle-ci.
Une fois encore, la plume superbe de l’auteur fait mouche, dévoilant un pays, particulièrement une ville en proie à une violence chronique qui emporte avec elle ses enfants pour les broyer. De l’écriture de l’auteur se dégagent des effluves de whisky, de la sueur des bordels et des odeurs d’égout et de sang.
Les dynamiteurs est un superbe roman à la fois social et politique, de par ce qu’il décrit et dénonce mais un ouvrage rempli de compassion pour les plus démunis. Benjamin Whitmer confirme qu’il est un grand auteur avec ce magnifique ouvrage. |