Opéra de Reinhard Keiser, mise en scène de Benoît Bénichou avec Ramiro Maturana, Andriy Gnatiuk, Inès Berlet, Yun Jung Choi, Wolfgang Resch, Jorge Navarro Colorado, Marion Grange, Benoît Rameau, Charlie Guillemin et l’Ensemble Diderot sous la direction musicale de Johannes Pramsohler. L'Arcal, Atelier de recherche et de création pour l'art lyrique fondé en 1983 par Christian Gagneron actuellement dirigé par Catherine Kollen présente l'opéra baroque "Crésus" du compositeur hambourgeois Reinhard Keiser à la fugitive notoriété de surcroît éclipsée par celle de Haendel qui fut son élève. Exhumé des limbes opératiques, cet opus procédant de l'hybridation du "Lied und Leid" germanique et du bel canto à l'italienne se présente comme un exercice de style en forme de panorama de tous les genres et styles lyriques portés par des personnages exubérants. Concocté à l'occasion du carnaval, circonstance importante au regard de sa structure, il aurait pu s'intituler "Les feux de l'amour" car, s'il renvoie à la légende du fameux roi Crésus avec l'antienne" Fortune, Puissance et Gloire" en refrain introductif; celle-ci ne constitue que la toile de fond d'une intrigue amoureuse en chaîne, pionnière du sitcom, ordonnée autour d'Elmira, une princesse déchue en quête de rang royal. Ainsi, se déroulent, sous le regard du bouffon et du philosophe (respectivement les ténors Charlie Guillemin et Benoît Rameau), les péripéties sentimentales d'Eliates (Jorge Navarro Colorado/ténor) qui aime Clérida (Marion Grange/soprano) qui aime Orsanes (le baryton Wolfgang Resch) qui aime Elmira (Yun Jung Choi/soprano) qui a jeté son dévolu sur Atys (Inès Berlet/mezzo soprano) le fils de Crésus (Ramiro Maturana/baryton) qui bataille contre le roi de Perse Cyrus (Andriy Gnatiuk/basse). Les choix de mise en scène de cette curiosité opératique pour laquelle Benoît Bénichou précise dans sa note d'intention y voir "un huis clos révélateur, un miroir tendu vers nous-mêmes", et donc une possible résonance avec les vacuités contemporaines, ressortent à l'hybridation de la comédie burlesque, du reality show et du pop glam caractéristiques des tropismes théâtraux de Vincent Macaigne,Thomas Jolly et Kamel Ouali. Il a choisi une scénographie qualifiée "de Terre et d’Or" avec un sol recouvert de paillis noir et la couleur or de "ce métal parfait [qui] cherche à éclairer nos ténèbres", concrétisée par le décor de castelet monolithique sur tournette conçu par Amélie Kiritzé Topor et les lumières spectaculaires de Mathieu Cabanes. Dans un univers de jet set bling bling, et dans les rutilants costumes confectionnés par Bruno Fatalot, en parallèle aux sobres rois de fantaise, s'agitent une femme fatale fashionista, une Ziegfeld Girl, une drag queen graveleuse, une folle de la Gay Pride, un clone de Marilyn Manson et un prince déguisé en rappeur cheap sans oublier l'apparition d'un Bunny échappé d'une queer party.
Sous la direction de son co-fondateur Johannes Pramsohler, l'Ensemble Diderot, dont le septet de violons, assure l'exécution émérite d'un livret complexe tout comme les chanteurs, au terme d'une belle distribution cosmopolite avec la remarquable Yun Jung Choi dotée de la plus conséquente partition, dispensent une prestation accomplie écoutable et plaisante même les yeux clos. |