C’est donc une histoire de dialogues dans ce disque. Un dialogue entre quatre pièces, quatre chefs d’œuvres : Bug de Bruno Mantovani, Assonance de Michael Jarrell, Dialogue de l'ombre double et Domaines de Pierre Boulez. Quatre pièces rentrées dans le grand répertoire de la clarinette. Un dialogue également entre compositeurs (Mantovani, Boulez, Jarrell mais également, Luciano Berio, qui s’il n’est pas joué ici n’est jamais très loin comme maître inspirateur) et d’une pièce par rapport à une autre : Domaines, composée entre 1961 et 1968 et Dialogue de l'ombre double, composée en 1985 montrant l’évolution du langage de Boulez.
Comme son nom l’indique, Bug, créée le 6 février 1999 au festival de Mériel par Philippe Berrod, évoque un chaos déclenché par une panne informatique imaginaire, le passage à l’an 2000 et le bug qu’il devait provoquer n’étant pas très loin. C’est un foisonnement rythmique et mélodique modifié par de nombreuses dynamiques différentes, d’une grande compacité, qui au fur et à mesure du déroulé de la pièce se transforme en un véritable maelstrom sonore. Bug se termine par des notes tenues. Le calme (la désolation ?) après la tempête.
La série des Assonances de Michael Jarrell figure comme les Sequenza de Berio l'idée de cycle. Elles sont pour lui un "cahiers d'esquisses, comme un droit : celui de me concentrer sur une idée et de m'y sentir libre". On retrouve dans celle pour clarinette créée le 22 août 1984 par Nicholas Cox des jeux autour de quelques éléments fondamentaux ou cellules, comme une sorte de thème et variations (sur les nuances, sur l’ornementation…) qui peuvent se relier ou s’opposer et qui à la fin, le retour à l’élément de base, forment un véritable cycle.
Il existe deux versions de Domaines de Pierre Boulez, œuvre ouverte où la partition n’est pas totalement déterminée, une pour clarinette seule et une pour clarinette et ensemble instrumental, cette version devenant la version définitive, créée en 1968 et révisée en 1969. L’effectif se répartit en six groupes instrumentaux : un quatuor de trombones, un sextuor à cordes, un duo marimba-contrebasse, un quintette mixte, un trio hautbois cor guitare et une clarinette basse. La clarinette effectue comme un parcours, une sorte d’aller et retour en miroir. La clarinette soliste décide de l’ordre de jeu des six feuillets à l’aller, c’est ensuite, au retour, le chef d'orchestre qui choisit l’ordre, dans un dialogue constant entre les musiciens.
Dialogue de l’Ombre double est dédiée à Luciano Berio et pensée à partir de scènes du Soulier de satin, pièce de théâtre de Paul Claudel. Cette fois le dialogue ne se fait plus entre la clarinette et d’autres musiciens mais avec son double, alternance de strophes jouées en direct et de transitions enregistrées et diffusées par des haut-parleurs, comme une présence lointaine.
Bien sûr il y a la virtuosité, parce que ces œuvres demandent une réelle virtuosité mais il y a ce son, ce sens du musical, de l’intention et une interprétation tout simplement admirable qui rendent ce disque indispensable ! |