Hippo est sorti de taule (condamné pour vol de voiture) à l’aube des années 90, son frère Xavier a laissé tomber le deal de poudre pour passer aux X et aux acides, Nathalie après Normal sup a embrayé sur l’ENA et est devenu collab dans un ministère socialiste, Albert fait toujours du Albert et notre vendeur de l’Huma voit toujours le prolétariat croître.

Si Rochant avait réalisé une suite d'Un monde sans pitié, tel pourrait en être à quelques détails près le teaser. On imagine Hippo rentrer dans le rang, reprendre ses études et goûter au monde merveilleux des happy few et autres hipsters de la Défense. Acides, coke, costards à épaulettes, et défonce noctambule pour oublier les humiliations corporate.

Et la bande son de ces nuits désabusées d’oubli serait signée BT93. BT93, alias Bernard Tanguy. Musicien, réalisateur (Parenthèse), underground de la fin 80’s, nourri aux sons synthétiques des TX7, Korg01W, TR707 (les Daft lui rendront hommage fin 90), BT à force de voir ses morceaux s’échanger sous le manteau, décide en 2020 de sortir un panel de ses maquettes trentenaires remixées et masterisées. Univers musical synth-pop, à ranger dans la pile des DAF ou du malheureusement méconnu duo lyonnais Deux. Reflet d’une époque (mal) vécue par BT, celui-ci sous l’anonymat de ses initiales règle ses comptes avec la matrice broyeuse des corps et des âmes ("La hiérarchie chie", "RV avec les ressources humaines", "L’énarque") , des relations sans sentiments ("On n’est pas sérieux avec les filles") et de son désœuvrement face au miroir le matin des gueule de bois ("Les nuits d’un ex-winner", "RER pour la défonce")...

Fruits d’une collaboration avec HT (Hervé Tanguy), Yves Trémolet et Frédéric Lo, BT93 est un revival des nuits underground 90’s, aux sonorités syncopées, stroboscopiques qui ont fait, en leur temps, exultées sous les lumières blafardes les yuppies noctambules qui se déhanchaient sur le génialissime "Bronx Génération".

"C’est avec une grande émotion et un brin de nostalgie que je vois ressortir aujourd’hui l’album que j’ai composé il y a 30 ans. A l’époque il avait été refusé par les maisons de disque et était sorti sous le manteau dans une qualité médiocre".

A découvrir ou redécouvrir… même les lendemains qui chantent.