Spectacle de Frédéric Fisbach inspiré d'une oeuve de Charles Péguy, avec Madalina Constantin, Flore Lefebvre des Noëttes, Laurence Mayor, Frédéric Fisbach et Silvana Martino.
Deux femmes entrent dans un théâtre désaffecté. L'une, Ingrid, déguisée en ado (pour passer les contrôles) et l'autre, Félicie, en tenue d'apicultrice. C'est six ans après le premier confinement mais l'épidémie est toujours là et sur ce plateau de théâtre où la troisième comédienne, Mila a installé son lit de fortune, elles vont répéter clandestinement "Le Mystère de la charité de Jeanne d'Arc" de Charles Péguy. C'est le projet qu'elles avaient commencé avec le mari de Mila, Francesco, mort pendant le confinement et qu'elles ont décidé de reprendre en son hommage et pour conjurer la mort. Derrière le rideau de fond, le fantôme du metteur en scène (Frédéric Fisbach) observe et raconte. Tandis qu'elles tracent des cercles sur la scène à la craie pour la distanciation. Avec "Vivre !", Frédéric Fisbach, comme d'autres, s'est inspiré du contexte sanitaire pour interroger le devenir du théâtre et de la parole. Par on ne sait quel miracle, il parvient à mêler son texte très quotidien (plus proche sans doute du cinéma français que du théâtre contemporain) à celui très poétique de Charles Péguy. Il en résulte un spectacle étrange de près de trois heures où, les comédiennes tentent de répéter tant bien que mal la pièce de Péguy (Félicie est hypocondriaque et Mila, pas remise de la mort de son mari, plus préoccupée par sa belle-mère dans le coma que par le travail) qui fait parfois écho aux inquiétudes actuelles. On en retiendra des choses émouvantes sur le théâtre et la nostalgie d'une époque en train de disparaître. Il est touchant également de voir comment ces comédiennes (Madalina Constantin, Flore Lefebvre des Noëttes, Laurence Mayor et la doyenne Silvana Martino) peuvent être incroyablement vivantes. A ce titre, les scènes d'enfance de Jeanne (avec Flore Lefebvre des Noëttes, formidable en Hauviette, à qui on donnerait dix ans) sont très réussies. Et l'engagement magistral de Laurence Mayor dans le rôle de Jeannette vaut à lui seul le déplacement.
Certes, il y a bien quelques longueurs par-ci par-là et quelques séquences sans doutes dispensables, mais un spectacle qui dit le bonheur de partager le théâtre et l'espoir de jours meilleurs ne peut pas être tout à fait vain... |