Réalisé par Michelangelo Antonioni. Italie/France. Drame. 2h20 (Sortie 28 octobre 2020 - 1ère sortie 14 septembre 1960 ). Avec Gabriele Ferzetti, Monica Vitti, Lea Massari et Dominique Blanchar.
En 1960, au Festival de Cannes, "L'Avventura" de Michelangelo Antonioni obtient le prestigieux prix du jury alors que "La Dolce Vita" de Federico Fellini reçoit la Palme d'Or.
Mais, du point de vue de l'histoire du cinéma, le film le plus important, même s'il a été largement hué lors de sa présentation cannoise, ce sera le film de Michelangelo Antonioni.
Venant juste après "Le Cri", il consacre la naissance d'un cinéma vraiment moderne qui se joue de la narration classique et s'attarde sur les sentiments de personnages qui se construisent séquence après séquence avec l'aide du spectateur lui-même, amené à participer à leur élaboration, et plus généralement à donner au film son sens.
Pour certains, cette proposition d'un cinéma déconstruit, refusant comme ici de fournir toutes les clés de son récit, ou l'abandonnant au profit d'un autre, rapproche le cinéma de la littérature née partout après la guerre. "L'Avventura", pour eux, est une étape dangereuse vers un cinéma littéraire et intellectuel.
Si l'on découvre le film sans a priori, on risque surtout, soixante après sa sortie, de voir d'emblée la beauté formelle de l'oeuvre d'Antonioni. Il ne faut pas être un pur cinéphile pour découvrir que dans toute sa première partie, celle où Léa Massari est présente, puis absente et recherchée autour de l'île où elle a disparu, Antonioni est un pur virtuose, réalise des plans d'une très grande force visuelle, avec l'aide de son directeur de la photographie, Aldo Scavarda.
Ce n'est qu'après que le film bascule dans ce qui va constituer la base du cinéma "antonionesque" et que l'on retrouvera désormais dans toute son œuvre : la description hiératique de couples en plein désarroi alors qu'issus des meilleurs milieux, ils possèdent tout (argent, intelligence, beauté) pour être sinon heureux du moins satisfaits de leur existence.
Particulièrement vulnérable, cherchant à se libérer de la domination masculine, la femme aura tendance à se volatiliser, à bifurquer vers des choix imprévus, à s'empêtrer dans le "cauchemar climatisé", conséquence inattendu du triomphe du matérialisme qui est en train d'avoir raison de Dieu et des utopies.
"L'Avventura" de Michelangelo Antonioni n'est que la première phase, encore schématique et pas totalement assurée ni assumée de ce cinéma de l'intimité intellectuelle, qui va correspondre pour lui à sa grande période "Monica Vitti".
Ceux qui reverront le film pour la deuxième fois seront frappés par une évidence : Gabriele Ferzetti, au jeu pourtant irréprochable, n'est pas le personnage idéal pour ajouter une dimension à l'architecte play boy qui semble papillonner autour des femmes, mus par le plus prosaïque des désirs. On voit évidemment tout de suite à qui le rôle irait comme un gant et qu'Antonioni prendra d'ailleurs pour son film suivant, "La Notte" : Marcello Mastroianni.
Parallèlement, on a l'impression que Monica Vitti, pendant la seconde partie du film, fait des essais pour le "Maestro", commence vraiment à l'intéresser, à le séduire et qu'elle ne traduira son immense potentiel qu'avec justement Mastroianni, lui aussi bientôt pris dans le dilemme de Ferzetti, cette fois-ci entre Monica et Jeanne Moreau.
Mais la "Notte" est une autre histoire... Pour l'heure, Antonioni, synchro avec la reconstruction de son pays, dont il filme d'ailleurs des moments, établit les bases d'une ère cinématographique nouvelle. A l'exception de quelques scènes qui ont vieilli, il y réussit presque parfaitement.
"L'Avventura" d'Antonioni est de loin le film le plus jeune et le plus inventif qu'on pourra voir actuellement sur les écrans
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