Cette semaine, la star c'est Chan Marshall : couvertures (de Jalouse aux Inrocks en passant par Trax), interviews et critiques (Télérama, Libération…), impossible de la rater. L'événement c'est bien sûr la sortie de son album, The Greatest, qui, comme son nom ne l'indique pas, n'est pas un best of.
Pour ce 7ème opus, Chan Marshall s'est offert les services de vieux briscards de la soul américaine, notamment les sexagénaires du Hi ! Rhythm Band du révérend Al Green.
Enregistré en à peine cinq jours par l'ingénieur du son Stuart Sikes, déjà producteur de What would the community think sorti en 1996, (White Stripes, The Walkmen) dans le célèbre studio Ardent (Sam & Dave, Booker T & The Mg's, Isaac Hayes, Led Zeppelin, et plus récemment REM et les White Stripes), The Greatest réunit quelques uns des meilleurs musiciens de Memphis : les guitaristes Mabon "Teenie" Hodges et Doug Easley, le claviériste Rick Steff, les bassistes Leroy Hodges et David Smith, le saxophoniste Jim Spake et le trompettiste Scott Thompson.
Sans oublier les classiques violon, batterie et piano chers à la belle, c'est pour une profusion d'instruments, loin du dénuement qu'on lui connaît, qu'elle a cette fois opté. Un album beaucoup plus orchestré que ses prédécesseurs donc, plus classique, certes plus accessible, en tout cas moins surprenant...
The Greatest, tout comme le morceau d'ouverture (un des meilleurs soit dit en passant), fait référence à Mohammed Ali (dont c'est le surnom) et raconte l'histoire d'un petit garçon qui rêve de devenir boxeur. Mais c'est surtout une allusion à la vie et à la difficulté de s'en sortir, un message d'espoir pour cette sudiste originaire de Georgie, pays des laissés pour compte.
Toujours écorchée vive Chan Marshall ? Eh bien pas tant que ça. L'impression d'ensemble est plus légère, moins rugueuse que pour les magnifiques "You are free" et "What would the community think". Le tout, assez inégal. La tension entre adoration et déception, au lieu de s'estomper, se renforce au fur et à mesure des écoutes.
L'ouverture au piano avec "The Greatest" laisse pourtant présager de belles surprises et c'est avec optimisme qu'on se lance dans une première écoute. Même bonheur à l'écoute de la deuxième piste, "Living Proof" puis chute vertigineuse dès la troisième, "Lived in bars", ses chœurs et son saxo du plus kitsch effet.
Même remarque pour "Could we", à l'accompagnement 70's pas franchement concluant. "Willie" et "The Moon" misant sur la voix toujours aussi bouleversante de Chan Marshall plus que sur l'instrumentalisation, offrent quelques bons moments. Nouvelle dégringolade avec "Islands" et son intro country ambiance vahiné puis avec "After it all".
Finalement, c'est par les morceaux les plus dénudés et les plus rock qu'on se laisse émouvoir. Il faut attendre les derniers, "Love and communication", et par-dessous tout "Hate" (la plus belle, sans hésitation), pour découvrir de vraies perles qui permettent de clore l'album en beauté. Guitare rugueuse et voix rocailleuse, voilée et tout en finesse restent le meilleur des cocktails.
Et c'est sans artifice et dans son plus simple appareil que Chan Marshall, à fleur de peau, nous convainc de l'étendue de son talent.
Virage ? Ecart ? Changement temporaire de direction, on l'espère. "Peut-être qu'un jour je sortirai les versions nues", confie-t-elle aux Inrockuptibles. On l'espère aussi.
J'aime :
Chan Marshall, sa sensibilité, son mal-être et sa grâce intacts,
sa voix, écorchée, rocailleuse, captivante,
son univers intimiste,
“The Greatest”, “Hate”, “Willie”, “Love and communication”, “The moon”, “Empty shell”
J'aime pas :
les influences country,
les chœurs mal inspirés,
"Lived in bars", "Could we”, “Where is my love”, “islands”, “After it all” |