Texte écrit et mis en scène par Yan Allégret, avec Hacine Chérifi et Jean-Baptiste Epiard.
"La Plénitude des Cendres" : on croirait le début d'un haïku zen. Yan Allégret, auteur et metteur en scène, aime le Japon où il lui arrive de séjourner professionnellement et son travail, ici sur le sens du geste sportif et sur l'essence d''un sport, en l'occurrence la boxe, est parcouru par cette connaissance de l'Extrême-orient. Ici, le ring est elliptique et représenté par un cercle dessiné au sol. Y pénètrent un boxeur (Hacine Chérifi) hors du temps des compétitions et à l'heure des souvenirs, et un acteur (Jean-Baptiste Epiard), sparring partner de l'ex-champion du monde. Celui-ci lui assène quelques coups : la boxe n'est pas un exercice virtuel mais une plongée dans le réel. Si l'acteur est venu "voir" ce que boxer veut dire, il doit comprendre dans sa chair, dans son estomac, que le coup n'est pas une virtualité mais une nécessité. Si l'on veut parvenir à saisir ce qui se passe dans la tête du boxeur, ce que son corps ressent autant que son esprit, le coup doit être porté. En immersion dans un autre univers que celui du jeu, l'acteur découvre que boxer est un des sports où l'on ne joue pas ou si l'on joue c'est sa vie, c'est sa raison. La boxe ne s'arrête pas au ring, c'est peut-être dans cette affirmation que commence la possible ressemblance du "noble art" avec le métier de comédien Du boxeur, quand les mots sortiront, on obtiendra une affirmation-clé : l'importance du vestiaire, toujours le même quel que soit l'endroit où l'on boxe, quel que soit le nombre de spectateurs. Comme la coulisse, la loge pour l'acteur. Le boxeur boxe tout le temps sauf peut-être sur le ring où il met sa vie et sa raison de vivre en danger. À l'image de l'acteur qui joue tout le temps et redevient lui-même sur la scène, au risque de la folie ou de la déraison. Yan Allégret n'est pas le premier à rapprocher la gestuelle du boxeur, sa tendance - au moins pour les plus grands - à chercher l'ascèse, l'économie dans ses déplacements, le coup juste plutôt que la pluie de coups, avec celle de l'acteur tenté au fil du temps par le minimalisme, l'épure. Sauf qu'ici, la démonstration est donnée par un ancien très grand boxeur qui avait déjà intuitivement pensé ce que le metteur en scène fait dire à l'acteur. Hacine Chérifi n'est pas l'ombre d'un boxeur du passé. S'il n'a pas de gants, mais seulement les mains bandées, c'est qu'il est, dans "la persistance des cendres", quelqu'un qui a tiré les leçons de la boxe et fait don au spectateur de son élégance et de son humanité acquises à force de souffrance et de courage. |