Voilà encore une maison d’édition et un auteur que je ne connaissais pas. A l’écriture, un certain Lavie Tidhar, écrivain d’origine israélienne, auteur d’un roman qui a remporté le World Fantasy Award 2012 mais aussi chroniqueur pour le Washington Post. Aucune terre n’est promise est un polar sur fond d’uchronie, autour d’une histoire de monde parallèles associée à Israël.
L’introduction nous explique que la génèse de l’ouvrage vient de la lecture d’un rapport d’une expédition sioniste en Afrique datant de 1904 qui avait pour but de trouver un territoire aux juifs. Une terre est alors trouvée en Ouganda, jugée inhospitalière par le congrès sioniste de l’époque. Le projet est alors abandonné.
Lavie Tidhar, lui, remet en selle ce projet, par son ouvrage. Il imagina alors que ce projet est validé et que la Palestine s’installe au cœur de l’Afrique. Evidemment, dans ce contexte, l'histoire n’est plus la même, le génocide des juifs n’existe plus et Hitler est assassiné. On a donc une histoire modifiée mais quand même une histoire qui semble se répéter, les juifs installés occupent ici un territoire peuplé par des populations africaines et Arare city, la capitale, devient la cible d’attaques terroristes contre l’occupation. Tiens, ça nous rappelle quelque chose !
Dans Aucune terre n’est promise, l’histoire tourne autour du personnage Lior Tirosh qui décide de revenir dans son pays natal, La Palestina, un pays situé en Afrique. La Palestinia est un pays qui a été donné aux juifs au début du 20ème siècle comme terre de refuge suite aux persécutions dont ils sont victimes. Cela fait déjà bien longtemps qu’il n’était pas revenu dans ce pays de naissance.
Il espère retrouver à Ararat City la chaleur du foyer mais rien ne se passe comme prévu. Il se retrouve avec un cadavre sur les bras, se retrouve donc accusé de meurtre. Il découvre un pays en proie à de nombreuses tensions, menacé par des terroristes et des pays voisins. La ville est ceinturée par un mur immense et sa nièce, une certaine Déborah, a disparu dans les camps de réfugiés africains. Traqué, soupçonné de meurtre, offert en pâture à un promoteur véreux, Lior est entraîné malgré lui dans les dédales d’une histoire qu’il contribue à écrire.
Cet ouvrage n’est pas simple à ranger dans une catégorie et il est aussi assez déroutant. Il a un côté thriller, une dimension SF et uchronique et en même temps, il nous propose une analyse philosophique qui nous pousse à la réflexion sur la situation de l’état d’Israël.
L’ouvrage est aussi déroutant par sa narration polyphonique avec trois narrateurs principaux qui se croisent et se répondent au fil des pages, avec aussi l’impression qu’ils nous interpellent directement. Tirosh, Bloom et Nur, les trois narrateurs ont en plus l’originalité de parler chacun à une personne du singulier différente. L’utilisation du "il" par Tirosh permet d’avoir une sorte de narrateur extérieur tandis que le "je" du second narrateur, Bloom, montre que Tirosh est suivi par quelqu’un qui raconte ses faits et gestes (Bloom est une sorte d’agent secret dans l’ouvrage) tandis que le "tu" de Nur , une jeune femme vient complexifier la narration, montrant une proximité avec les deux autres et nous questionnant si elle ne nous parle pas aussi.
S’il devait ressortir quelque chose d’important de ce roman, cela serait sûrement le rapport à la terre et à l’identité. On voit bien au travers de cette uchronie qu’une terre que l’on prend, que l’on impose est quasiment toujours une source d’injustice, le terreau de conflits mais aussi d’exploitation. On voit bien l’histoire bégayer ici avec toujours un occupant et un occupé. Les murs ne se ressemblent pas mais ils ont ici la même fonction. |